Anthony Masure

chercheur en design

Pour en finir avec le design centré utilisateur !

Résumé

L’innovation vertueuse fait la part belle au design. Encore faut-il s’entendre sur cette approche et privilégier une approche systémique. Brieuc Saffré, dirigeant de l’agence de design circulaire Circulab et Anthony Masure, professeur associé et responsable de la recherche à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD –Genève, HES-SO), croiseront leurs expériences pour bousculer les idées reçues et débattre des implications sociales, politiques et esthétiques des technologies numériques.

Vidéo de la discussion à venir

Compte-rendu de la discussion rédigé par Julien Vey, directeur de l’Institut Supérieur de Design de Saint-Malo pour leur newsletter Vitamine D, décembre 2021.

Les évangélistes du couvent des Jacobins

Au couvent des Jacobins, vendredi 3 décembre 2021, la question de la vertu dans la création des choses a agité les débats de la Digital Tech Conference. Un sujet complexe que les organisateurs (dont nous faisions partie) ont eu à cœur de laisser ainsi : complexe, nuancé et transversal. Une condition sans doute de la vertu, dans nos représentations.

Alors, bien sûr, il y a eu quelques tentatives de rattrapage aux branches des habitus de l’entrepreneur numérique occidental, l’apparition à nouveau de l’importance des « business plans performants » en-dehors desquels il semblerait qu’il ne peut y avoir de vertu, ou encore quelques tentatives d’habiller de vertus des matériaux pratiques bien connus pour leur « accessibilité » – entendez économique – sans aborder d’autres aspects, comme si ceux-ci n’étaient qu’une face plane, aimable et pratique. Autant de déclarations apparaissant, il me semble, comme des justifications, ou mieux encore, des excuses maladroites face à l’évidence mise en lumière par les projecteurs de la Nef des conditions réelles de la vertu des choses : pensées collectivement, lisibles effectivement, soutenables écologiquement et désirables poétiquement.

Ni « business », ni « performance », ni « plastique » dans ce constat, qui donneraient au contraire au buffet des vertus le goût fade et vide-aqueux d’un plat de restes oubliés au frigo, décongelé pour l’occasion.

Il s’agissait me semble-t-il d’une première dans le monde breton des start-up : une invitation de la dimension politique de l’acte de création dans la maïeutique « tech », d’une entrée des autres, étrangers à l’usage, dans les inquiétudes de celles et ceux qui fabriquent objets, services et interfaces, ordinairement à l’attention de quelques-uns pouvant se les offrir. Je dois reconnaître le courage et l’optimisme de nos partenaires du Poool d’avoir choisi ce sujet, car il risquait de remettre en question de nombreuses postures ordinaires d’un petit monde économique qui tourne bien. C’était la collision de systèmes de croyances inverses, la rencontre sur le terrain des militants associatifs chevelus et autres « néo-marxistes» barbus avec l’entrepreneuriat des levées de fonds, ces cravates et des petits-fours. Je le dis pour rire, avec bienveillance, et je l’ai vécu ainsi. Un grand merci pour ce moment où les combats hideux des réseaux sociaux se sont faits débats d’idées sur le terrain, discussions plutôt que disputes, projets plutôt que récits.

L’enjeu de cette confrontation était primordial : filtrer les croyances au tamis, séparer le bon grain de l’ivraie, extraire des discours les conditions essentielles pour faire mieux, pour faire bien : pour faire bon, en dehors de nos convictions.

À ce sujet, à la conférence que j’animais sur le thème « Pour en finir avec le design centré utilisateur », une phrase a été dite par Anthony Masure, chercheur en Design à la HEAD – Genève, à la question « Comment prenez-vous en compte les croyances (religieuses) des participants lors des phases de conception collectives ? », et je tiens à vous la restituer en guise de conclusion :

« Vous avez remarqué, je pense, qu’il y a davantage d’évangélistes aux Jacobins aujourd’hui que du temps où il s’agissait d’un véritable couvent […] »

Amen.

Documents liés

Responsabilité du design, design de la responsabilité

décembre 2021

Séminaire doctoral de l’EnsadLab (Paris), thématique « Design is the answer, but what was the question? Le design et l’art à l’épreuve de la crise de la modernité », dir. Francesca Cozzolino et Emanuele Quinz.

Design numérique : entre facilité d’utilisation et manipulation

octobre 2021

Invitation au « Tech+Society Breakfast » (Ethix – Lab for Innovation Ethics + SATW – The Swiss Academy of Engineering Sciences).

Design & attention : captation des esprits

septembre 2020

Interview pour le podcast « Design MasterClass », no 10, « Design & attention : captation des esprits ».