Anthony Masure

chercheur en design

Écologie de l’attention et design des environnements numériques : vers une politique des filtres ?

Contexte

Communication dans le cadre du colloque scientifique « Écologies du numérique », Écolab / ESAD Orléans

Résumé

L’enjeu d’une écologie du numérique, d’un point de vue psychique, serait d’interroger la prétention des technologies à « solutionner » tous les problèmes du monde, alors même que nous faisons face à de multiples crises cognitives liées à la « captation » de l’attention, à savoir l’exploitation économique des comportements, des affects et des désirs. En tant que ces opérations se font en retrait de toute visibilité, il s’agit bien d’une question écologique, à savoir une disjonction entre un « milieu technique » et les acteurs qui y évoluent. Entre attention personnelle et attention collective, il s’agira ici de réfléchir à une pensée « en commun », et dès lors politique, d’une écologie du numérique.

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L’émergence de l’informatique dite « personnelle » à la fin des années 1980 s’est basée sur le modèle cybernétique (Wiener, 1950) d’une science du « pilotage » des actions d’un public a priori considéré comme « utilisateur » (Masure, 2017). Ce paradigme de conception, qui imprègne encore largement les interfaces des « dispositifs » (Agamben, 2006) numériques que nous utilisons tous les jours, s’est développé de façon dissimulée – recouvert par des vagues d’objets au renouvellement accéléré, qui se sont installés parmis nous sans négociation ou réflexion citoyenne en amont. Autrement dit : nous manquons de recul pour comprendre ce que les médias numériques et leurs flux d’information nous font, font avec nous, ou font contre nous (Parikka, 2012).

Dès lors, l’enjeu d’une écologie du numérique, d’un point de vue psychique, serait d’interroger la prétention des technologies à « solutionner » (Morozov, 2013) tous les problèmes du monde, alors même que nous faisons face à de multiples crises cognitives liées à la « captation » de l’attention (Citton, 2014 ; Dow Schüll, 2014), à savoir l’exploitation économique des comportements, des affects et des désirs (Stiegler, 2010). En tant que ces opérations se font en retrait de toute visibilité (Shah Jahan, 2014), il s’agit bien d’une question écologique, à savoir une disjonction entre un « milieu technique » (Simondon, 1958) et les acteurs qui y évoluent. Ces problématiques se révèlent, par exemple, lorsque nos objets numériques déversent en continu des « notifications » (Masure & Pandelakis, 2017) et autres informations non contextuelles (Roda, 2011).

Afin que le numérique puisse profiter au plus grand nombre, et pas seulement à une poignée d’investisseurs, il faut prendre de la distance avec l’idée que les problèmes liées aux technologies puissent simplement se résoudre avec davantage de technologie (Belsky, 2017 ; Postman, 1992). Pris « entre économie et morale » (Lantenois, 2010), le design graphique a un rôle clé à jouer dans les transformations, traductions et mises en relations des informations circulant sur les terminaux numériques. Pour que ces réflexions autour d’une « écologie des environnements artificiels » (Manzini, 1990) puissent passer dans le réel, nous proposons d’examiner l’idée d’une « politique des filtres » (Masure & Pandelakis, 2017), à savoir une intelligence partagée et négociée qui échapperait à la « réglementation algorithmique » (Morozov, 2013) des programmes numériques dominants.

Entre attention personnelle et attention collective, il s’agira ici de réfléchir à une pensée « en commun », et dès lors politique, d’une écologie du numérique.

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juin 2016

Conférence donnée avec Saul Pandelakis au colloque scientifique « Archéologie des médias et écologies de l’attention », dir. Yves Citton, Emmanuel Guez, Martial Poirson et Gwenola Wagon, Cerisy-la-Salle. Cette conférence a été redifusée sur les sites Web de France Culture et de La Forge Numérique (MRSH de l’université de Caen – Normandie).