Vibrants, ressemblants, questionnants : humains (et designers) face à l’avènement des sexbots
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Cycle Computer Grrrls, week-end « Dea Ex-Machina », Paris, Gaîté Lyrique, 19 mai 2019
Nous allons parler…
- de sexualité 🍆
- d’agressions sexuelles ou de leur possibilité (viol) ❗
- de pédophilie 👶
- de fétiches 🍡
Sexbots
Contexte intellectuel
Précédents travaux personnels 🤖 👇
- 2015 — Conférence au colloque scientifique « Formes contemporaines de l’imaginaire informatique », Montpellier
- 2017 — Article dans la revue Res Futurae, no 10,
« Imaginaire informatique et science-fiction »
- 2017 — Conférence dans la journée d’étude Sex Plays!,
Master DTCT, UT2J
- 2019 — Cours en commun dans le cours magistral
Queer[ed] Design, L3 Design, UT2J
Trudy Barber (université de Portsmouth) : précurseur sur sexe et technologie
Actualité des dolls et sexbots ⚙️
- Depuis 2015, la CASR, Campaign Against Sex Robots, est lancée avec Kathleen Richardson
- Kathleen Richardson, Sex Robots, à paraître en septembre 2019, clip audio ici. Cette campagne anti sexbots est aussi le sujet du romancier Ian McEwan dans Machines Like Me, 2019
- John Danaher [droit] et Neil McArthur [philo] (dir.), Robot Sex, 2017
- Rapport de la FRR, Foundation for Responsible Robotics, « Our Sexual Future With Robots », 2017
- Kate Devlin, Turned On. Science, Sex and Robots, 2018
- David Parisi, Archeologies of Touch, 2018 : ouvrage sur le toucher, le haptique, la VR, la sensorialité et la technologie
Sexbots
Contexte commercial
Contexte commercial des sexbots
Distinguer des modèles de dolls de marques comme Realbotix/Abyss, Eden Robotics, True Companion (Roxxxy) ou Dollsweet qui sont vraiment dans une démarche de créer des sexbots
Contexte commercial des sexbots,
3 niveaux de lecture
- La doll comme super sextoy
- La doll-bot, un robot pour le sexe
- Le bot comme partenaire social,
qui peut entre autres faire du sexe
Sexbots
Formes actuelles
Forme actuelle des sexbots
les sexbots sont d’abord un terme à clickbait
car ils n’existent pas vraiment !
Dolls stationnaires, mais des innovations sur la connectivité (apps), ici Realdollx
Forme actuelle des sexbots
Un mouvement vers les sexbots consiste à mettre une IA de conversation dans une doll. Pour le moment, les IA sont articulées à des têtes qui se positionnent sur des dolls…
Point important, la plupart des dolls ne tiennent pas debout ! (The Sun)
InMoov, robot libre imprimé en 3D
InMoov, tête de femme « open source » mentionnée par Kate Devlin
Modèle économique
(et quelques exemples alternatifs à la doll)
- Les sexbots sont très chers : 5000$ – 15 000$ (promos à 3000$). Plus on customise, plus c’est cher 💰
- Sexbots as app store? 📱
- « Sexbot too expensive? Live-cam with ‘Cardi-Bot’
and tell it to twerk », CNet, 2018 💃🕺
- Une solution : le bordel à robots ? 👯
Comment cartographier les possibles des sexbots ?
Retour critique : déplier l’axe « anthropomorphisme » 👥
Kate Devlin distingue animisme et anthropomorphisme,
cf. Tamagotchi 🥚, Nabaztag 🐰, ou Paro 🐬
Cela pose la question de l’uncanny valley (Masahiro Mori) 👽
Retour critique : déplier l’axe « anthropomorphisme »
L’axe demande à être reformulé pour intégrer des variables spécifiques : genre, race, classe… 👦👧🏻👦🏼👧🏽👦🏾👧🏿🚻👔
Doll latina avec un tee-shirt « I Know Guacamole is Extra » 🥑
Sarah, poupée « asiatique »,
« fine avec des fesses généreuses et des petits seins fermes »
Retour critique : déplier l’axe « anthropomorphisme »
- Interface des Dreamdolls, choix de la couleur de peau 👌👌🏿👌🏻
- Beaucoup de femmes asiatiques semblent se plaindre d’une exoticisation en rapport avec le fantasme de la poupée 🎎
- « Sleeping Mitsuki » de 4woods, qui a les yeux fermés 😴
De la dildoisation des objets et des sujets ?
Sorte d’écart entre des objets très abstraits et des dolls au fort degré de réalisme : ici se révèle un champ pour le design
Le champ des « teledildonics » / objets connectés, genre We-Vibe
Archéologie des sexbots
Axe « anti-innovation » voire « disnovation »
Les sexbots relèvent-ils d’un imaginaire plus ancien,
celui du robot humanoïde ?
Film Metropolis (Fritz Lang, 1982)
Film Blade Runner (Ridley Scott, 1982)
Série TV Black Mirror (Charlie Brooker, 2011–)
Série TV Westworld (Jonathan Nolan et Lisa Joy, 2016–)
MAIS il existe une tendance au robot fifties, sans corps, somme de cube
Film Interstellar (Christopher Nolan, 2014) : des robots « blocs »
Film Moon (Duncan Jones, 2009) : des robots « blocs », non anthropomorphes
Série TV Osmosis (Audrey Fouché, Netflix, 2019) : l’IA est au service de la recherche de l’amour,
mais elle n’en est pas un agent au début
Série TV Osmosis (Audrey Fouché, Netflix, 2019) : l’IA est au service de la recherche de l’amour,
mais elle n’en est pas un agent au début
De la dildoisation des objets et des sujets ?
Sorte de tension, et d’insolubilité : soit les choses sont hyper abstraites, soit c’est un corps identique (quitte à prendre un avatar, ou un corps « rêvé »)
Une alternative au sexbot : la VR
Série Maniac (Patrick Somerville, Netflix, 2018), SuckTube VR & sirènes 🕶 🍼
Une alternative au sexbot : la VR
Il y a pas de représentations où les femmes utilisent ces dispositifs au cinéma et dans les fictions, ces dispositifs codent quasi systématiquement la solitude et la détresse sexuelle d’hommes typés comme des incels
Surrogates (Jonathan Mostow, 2009), en français Clones
Surrogates (Jonathan Mostow, 2009)
Surrogates (Jonathan Mostow, 2009)
Surrogates (Jonathan Mostow, 2009)
Certains sexbots prévoient la déclinaison en app et en avatar
Pierre Huyghe et Philippe Parreno, Anne Lee (2000–)
Pauvreté de l’imaginaire des sexbots autour de l’identité féminine
Le problème de l’objectification
Les sexbots montrés sont souvent des fembots, ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes
Film Ex Machina (Alex Garland, 2014)
Portrait d’une femme en fragments
- Imaginaire fort de la « partie de femme » (femme en kit) : idée que les femmes ne sont pas plus que la somme de leurs parties
- Les anti-sexbots (Kate Richardson et le CASR) s’opposent à ces dolls car elles représenteraient une forme d’objectification qui prolongerait la culture du viol
- Problème : des arguments anti-sexe et anti-travail du sexe qui confondent les symptômes avec la réalité structurelle qui les produit
Pauvreté des imaginaires autour de l’identité féminine
Comment aller au-delà de la critique de l’objectification, tout en reconnaissant que celle-ci est réelle tant que les modèles ne sont pas davantage diversifiées ?
→ Il faut enrichir notre compréhension du sexisme en acte dans les productions technologiques 💥
Paradigme de la femme salvatrice dans Simili Love, Antoine Jacquier, 2019
Extranéité des femmes par rapport aux imaginaires technologiques
Pauvreté des imaginaires autour de l’identité féminine
Un imaginaire dominant : des sexbots femmes pour des hommes hétéros en manque d’amour.
On est dans un imaginaire très hétéronormé : les alpha males trouvent sans problème des partenaires, pour les autres, trop peu virils… reste le software !
Film Her (Jonze, 2013)
Film Mannequin (Gottlieb, 1987)
Film Weird Science (Hughes, 1985)
Pauvreté des imaginaires autour de l’identité féminine
À l’inverse, des IA amoureuses de leurs propriétaires 💕
Electric Dreams (Barron, 1984)
L’ordinateur tombe ici amoureux de la femme que convoite son propriétaire
Softlove, Éric Sadin, 2014
Une IA codé masculine tombe amoureuse de sa propriétaire
Pauvreté des imaginaires autour de l’identité féminine
Le modèle de la bot tueuse 💀 : l’émancipation du bot est vue comme létale… à moins que ce soit l’émancipation féminine qui soit vue comme un problème (dans I, Robot, ce n’est pas un souci et le robot est codé comme masculin)
Pauvreté des imaginaires autour de l’identité féminine
Les sexbots sont toujours vus comme devant combler un manque 🍌 : qu’en dit-on aujourd’hui ?
→ Revenir aux cultures queer de la sexualité pour penser les sexbots car les manques sont effectifs, mais dans les représentations ! 🙄
Labeur féminin et labeur robotique : une intrication
Ellen Lupton, Mechanical Brides: Women and Machines, 1993
Historiquement, le labeur féminin a souvent été codé comme robotique
Labeur féminin et labeur robotique : une intrication
Idée de la fée 🔮 entourée de servants mécaniques, mais qui se mécanise à son tour. La répétition du travail domestique, proprement féminin, en compose aussi la dimension mécanique ⚙️
Labeur féminin et labeur robotique : une intrication
On ne peut pas critiquer l’objectification des femmes par la technique sans replacer cela dans l’histoire : un long lien entre femmes et techniques !
Plutôt que de dégenrer, construire activement des genres créatifs, habitables et/ou alternatifs
Sexbots & travail du sexe
On pense toujours aux sexbots comme des esclaves sexuelles
- Que serait un sexbot au service d’une travailleuse du sexe ?
- Collaborer avec un sexbot ?
- Co-conception entre travailleurs / travailleuses du sexe avec des designers ?
Queeriser les sexbots
c’est d’abord repenser la sexualité
Queeriser les sexbots
- Requestionner la sexualité au-delà du paradigme mou du « futur du sexe »
- les voitures volent, mais les stéréotypes de genre sont intacts…
Série Future of Sex (Blackpills, 2018)
Queeriser les sexbots
Décaler la compréhension : pourquoi veut-on des sexbots ? Pour imiter le sexe avec des humains ? Comme substitut ? Ou comme départ d’autres pratiques sexuelles
Le problème est là dans les sexbots, on fait comme si « sexe » était un champ de pratiques claires… mais pas du tout !
Allison De Fren, Science Fiction Studies, parle des alt.sex.fetish.robots (ASFR),
ce qui rejoint une sous-niche de consommateurs d’erotica.
Cf. Real Humans : apprécier les robots, une orientation sexuelle ?
Le robot est réduit à l’image : la dimension sonore importe
…dire le consentement ?
…dire le consentement ?
- Aborder les sexbots sous l’angle du manque
- Idée de l’échec sur le marché de la sexualité ;
une sorte de « plan B »
Consacle (2018), jeu vidéo d’éducation au consentement ?
Conclusion
Les sexbots ont besoin
des designers !
Les sexbots ont besoin des designers !
- Réaffirmer la nécessité de designer ces sexbots
- Designer dans toutes ses dimensions : sonores, visuelles, d’usage, texture…
- Approche transversale, par le design : tâcher de ne plus débiter une doll qu’on appareille avec de l’IA
- Qu’est-ce qui se passe si on part de l’IA ?
Présentation conçue avec Reveal.js, MIT License
Crédits typo : IBM Plex, Mike Abbink / Bold Monday, 2018
Licence des contenus (hors images) : CC BY–SA