@AnthonyMasure blog https://www.anthonymasure.com/blog Mon, 17 Apr 2023 00:00:00 +0000 Researches, projects, and maybe more <abbr>IA</abbr> et pédagogie : un état de l’art https://www.anthonymasure.com/blog/2023-04-24-ia-pedagogie-etat-art https://www.anthonymasure.com/blog/2023-04-24-ia-pedagogie-etat-art Mon, 17 Apr 2023 00:00:00 +0000
Aperçu d’une partie des articles analysés

Cadre d’analyse

Nous avons fait le choix de concentrer nos efforts sur des ressources à caractère théorique, philosophique et/ou épistémologique, qui ont pour vertu de ne pas être obsolètes à (très ?) court terme car elles pointent des enjeux de fond liés à la structure et à l’économie de ces techniques. En effet, la place des IA en contexte pédagogique est compliquée à établir en raison (entre autres) du caractère opaque et privatisé des technologies du machine learning, de même que de leurs biais et limites. Certains articles abordent directement la place de la pédagogie, tandis que d’autres pointent des enjeux plus généraux. La plupart des textes abordent le cas de ChatGPT en raison de la popularité de ce dernier et de ses nombreux usages en milieu scolaire. À titre personnel, cet état de l’art prolonge la publication, en mars 2023, de l’essai Design sous artifice : la création au risque du machine learning produit dans le cadre d’un projet de recherche soutenu par la HES-SO.

Pour chaque item, nous avons isolé les idées clés du texte (déroulables via les boutons ci-dessous pour rendre l’ensemble plus lisible) et en avons établi une synthèse. Afin de coller au plus près à l’actualité des services étudiés, et contrairement à une bibliographie classique, les items sont classés par ordre chronologique (du plus récent au plus ancien), et non pas par ordre alphabétique (du nom de l’auteur·trice). Le repérage des textes a, de façon générale, été effectué sur Twitter par Anthony Masure, avec le soutien de Frank Adebiaye (@fadebiaye). L’analyse de base a été effectuée par Florie Souday (stagiaire au sein de l’Institut de recherche en art & design de la HEAD – Genève de avril à juin 2023) et a été revue par Anthony Masure. Dans la mesure du temps disponible, d’autres items augmenteront cette liste.

Notons enfin que les services analysés dans ces ressources nécessitent, de plus, d’effectuer une veille technique régulière (voire quotidienne) car les bases de données et algorithmes de traitement (et les services qui y sont associés) évoluent régulièrement. Par exemple, le modèle de langage GPT-3 (acronyme de « Generative Pre-trained Transformer ») d’OpenAI (mai 2020) aurait été entraîné avec 175 milliards de paramètres, contre 170 000 milliards pour GPT-4 (mars 2023). Ce ne sera pas le moindre des défis posés par les IA que de conjuguer le temps long de la recherche avec les promesses de rendement de ces services et le sentiment d’urgence qui s’en suit.


Synthèse de l’état de l’art

L’actuel engouement médiatique autour des IA grand public reflète de profondes scissions dans leur acceptation, avec des titres « chocs » les décrivant tantôt comme des « machines surpuissantes », tantôt comme des « machines aliénantes ». Or cette vision manichéenne de l’IA, nourrie par des discours plus anciens liés à la peur de l’automatisation de l’humain par la machine, doit être analysée plus finement. Plusieurs articles analysés dans cet état de l’art posent ainsi les questions suivantes :

– Quelle place les IA occupe(ro)nt-elles dans le monde social ?
– Comment augmenter, et non pas remplacer, l’intellect humain ?
– Est-il juste de réduire les IA à de pures machines aliénantes, dont l’opacité servirait à mieux contrôler les individus ?
– Qui sont les entités et groupes derrière ces IA ?
– La création va-t-elle disparaître au profit de contenus générés par les algorithmes ?
– Quelles sont les conséquences actuelles et potentielles des IA dans l’enseignement, et comment encadrer leur utilisation ?
– Comment l’enseignement peut-il s’adapter et intégrer (sans pour autant se laisser surpasser) par ces algorithmes ?

Le lancement de ChatGPT en 2022 par OpenAI, société existante depuis 2015 et créée par Elon Musk et Sam Altman, bouleverse la place de l’humain dans les institutions existantes. On a souvent tendance à pointer du doigt les dirigeants et ingénieurs des grandes entreprises comme uniques responsables. Or les systèmes alternatifs (décentralisés et fragmentés) du machine learning nuancent ces accusations à sens unique. Les États et les individus prennent également part au développement de ces algorithmes, en interagissant avec ou en décidant ou non d’interdire leurs usages. En somme, au lieu de chercher qui ou « quoi » responsabiliser, ne vaudrait-il pas mieux débattre, comprendre les limites, et trouver les failles de ces IA pour les contourner et apprendre à travailler « avec » d’une façon juste et éclairée ?

Ces programmes sont déjà implémentés dans des métiers créatifs (comme dans l’animation et la musique) ou utilisés par de nombreux étudiants pour accélérer leur travail. Il est dès lors primordial de rappeler que ces IA puisent leur force dans la création et l’intellect humains. Il importe de débattre, d’argumenter et d’analyser leurs avantages et inconvénients pour ne pas se laisser avoir par leur aspect « bluffant ». Le caractère prédictif, la véracité des informations générées (dont les sources ne sont pas vérifiables), la non émotivité et le reflet de systèmes discriminatoires de ces IA, entre autres, attestent de l’importance de ne pas accepter passivement leur arrivée. Il est nécessaire de contrôler et de mettre en place des cadres pour guider les individus, et notamment les étudiants, dans leurs usages.

Les étudiants pourront très probablement y trouver un intérêt pour progresser dans des compétences qu’ils n’ont pas, développer leurs capacités rédactionnelles ou bien stimuler leur créativité. Apprendre à formuler des requêtes (prompts), connaître les risques de désinformation, ou encore analyser les images générées semblent être des compétences à développer à court et moyen long terme.


Juillet 2023


*Rodolphe Koller « Les développeurs d’IA craignent de ne plus disposer de données humaines via le crowdsourcing », ICT Journal, 7 juillet 2023**

  • Les entreprises utilisant les IA s’appuient sur des données gratuites en ligne ou sur des entreprises dans des pays à bas coût comme OpenAI, exploitant des étiqueteurs kenyans pour gérer les contenus les plus durs.
  • Les humains fournissent « l’oxygène aux algorithmes » mais l’abondance d’images génératives renverse ce schéma habituel : les IA s’alimentant d’images IA.
  • Analogie faite avec le Turc Mécanique et la plateforme de crowdsourcing d’amazon Mechanical Turk, un prétendu automate joueur d’échecs créé au XVIIIème siècle, qui était un humain en réalité. Ainsi, on pense recourir à des machines avec ce service alors que ce sont des humains en réalité derrière mais qui utilisent potentiellement des machines pour gagner en productivité : «intelligence artificielle artificielle artificielle».
  • Des chercheurs de l’EPFL ont mené une étude sur le nombre de travailleurs de Mechanical Turk utilisant ChatGPT pour rédiger leur résumé : 1⁄3 auraient utilisé ChatGPT. Les données humaines seront de plus en plus compliquées à extraire.

Les IA semblent s’entraîner de plus en plus avec des données générées par les IA elles-mêmes. En cause, la profusion de données IA en ligne et les étiqueteurs humains, par souci de productivité et de gain de temps, qui utilisent désormais les IA pour réaliser leurs tâches.

Juin 2023


Josh Dzieza « AI Is a Lot of Work », The Verge, 20 juin 2023

  • L’article parle des modérateurs et entraîneurs des IA, sous-payés et issus majoritairement de pays en développement.
  • Un de ces travailleurs, renommé Joe, a été interrogé dans l’article. Joe a dirigé un camp d’entraînement d’annotation à Nairobi pour une nouvelle entreprise et les demandes de travail ont été nombreuses. D’abord formés dans des camps, les étudiants travaillent ensuite depuis leur chambre et sont tenus par une clause de confidentialité. Ils ont interdiction de dévoiler ce qu’ils font ou pour qui ils travaillent. Les tâches consistent à étiqueter et entraîner les IA à reconnaître des éléments (vêtements vus dans les selfies miroir, de regarder à travers les yeux des robots aspirateurs pour déterminer dans quelles pièces ils se trouvaient etc). Mais la plupart abandonnent la formation car c’est un travail répétitif et ennuyeux.
  • La plupart des individus ne savent pas non plus pour qui il travaille réellement. Par exemple, Joe, a appris que l’entreprise pour laquelle il travaille, Retomasks, est une filiale de Scale AI, fournisseur de données de la Silicon Valley de plusieurs milliards de dollars comptant OpenAI et l’armée américaine parmi ses clients.
  • La fixation de la valeur de chaque vie humaine est un sujet à débattre. Selon Jean-François Bonnefon, de la même manière que des individus sont priorisés lors des campagnes de vaccination, il faudrait plus travailler sur « les préférences en matière de distribution des probabilités de vivre».
  • Les IA actuelles existent grâce à un travail fastidieux et répétitif fait depuis des années. En 2007, le chercheur en IA Fei-Fei Li disait déjà que pour améliorer les IA, il faudrait les entraîner sur des millions d’images étiquetées. Pour entraîner ces IA, Li a trouvé des milliers de travailleurs sur Mechanical Turk (plateforme de crowdsourcing d’Amazon pour trouver de la main-d’œuvre pas chère). Le travail d’annotation fait par la suite a donc permis de faire évoluer considérablement l’apprentissage automatique. Les ingénieurs pensent souvent que l’annotation n’est qu’une étape passagère et qu’une fois les images étiquetées récoltées, cette étape peut se terminer. Or, l’annotation demande un travail continu : les situations sont multiples, il faut constamment vérifier les images et donc toujours plus de main-d’œuvre.L’entreprise de Joe en est l’exemple.
  •  : cela peut passer par la détection d’émotions des visages sur TikTok ou par de l’examination de nos cartes de crédit, pour nous suggérer des articles similaires à nos tendances de consommation. Tout est catégorisé, nos émotions aussi.
  • L’intelligence humaine est la base de l’intelligence artificielle : les emplois humains derrière sont indispensables.
  • Les entreprises fournisseuses de données ont différentes formes : sociétés privées d’externalisation avec des bureaux de type centre d’appel(Kenya et au Népal), sites de “crowdworking” comme Mechanical Turk et Clickworker ou des services comme Scale AI où tout le monde peut s’inscrire, sous réserve de réussir des examens de qualification et des cours de formation et où un suivi des performances est instauré. Scale AI, par exemple, a été fondée en 2016 par Alexandr Wang, alors âgé de 19 ans, était évaluée en 2021 à 7,3 milliards de dollars.
  • Le journaliste parle de l’épuisement face aux mises à jour constantes des instructions d’étiquetage. Les règles changent constamment. La difficulté est de devoir simplifier des réalités complexes en quelque chose de compréhensible pour des machines non intelligentes. Catégoriser le monde avec une cohérence parfaite est l’enjeu des ingénieurs. Ils inventent donc des catégories que les humains n’utiliseraient jamais car les machines n’ont pas de compréhension du fonctionnement de notre monde. Par exemple, un humain saura que le reflet d’une chemise dans un miroir n’est pas la vraie chemise; la machine non. Pour l’IA tout est pixel. Les annotateurs doivent donc penser comme des robots, penser de manière absurde le monde.
  • Les salaires évoluent en fonction de la rapidité et du nombre de tâches effectuées par le salarié. Cet emploi est suffisamment stable pour être un emploi à temps plein pendant de longues périodes, mais trop imprévisibles pour s’y fier. À tout moment, le salarié peut ne pas avoir des tâches pendant des mois. Cette instabilité est liée au développement des IA, vacillant. Face à ça, des communautés d’entraides d’annotateurs se sont créées sur les réseaux sociaux pour permettre le partage de bonne tâche, lorsqu’elles tombent.
  • Un des annotateurs parle de son envie d’aider à créer un avenir post-travail entièrement automatisé, malgré l’invisibilisation de ce travail.
  • D’autres travailleurs des IA sont mieux payés, comme ceux entraînant les chatbots. Le travail consiste à parler toute la journée au chatbot et le salaire est d’environ 14$ de l’heure, plus des primes s’il y a une forte productivité. « c’est nettement mieux que d’être payé 10 $ de l’heure au magasin Dollar General local », déclare une de ces salariées qui nous dit aussi que ce travail est plus stimulant intellectuellement. Elle peut parler de sciences-fiction, de paradoxes mathématiques et autres. Les réponses du bot peuvent être très drôles mais limitées, ce qui est épuisant pour les salariés qui doivent constamment échanger et questionner le bot.
  • Le chatbot fournit deux réponses et le salarié doit choisir la meilleure réponse, créant ce qu’on appelle « données de rétroaction humaine » : les retours de l’IA imitent les conversations humaines de manière impressionnante car ils ont été formés sur des la culture humaine.
  • Les critères d’évaluation varient entre honnêteté, serviabilité ou préférences personnelles : les données se basent donc sur des goûts humains. Le fait est qu’ils créent des données sur le goût humain, et une fois qu’il y en a assez, les ingénieurs forment un deuxième modèle pour imiter leurs préférences à grande échelle, en automatisant le processus de classement et en formant leur IA à agir d’une manière que les humains approuvent. Ainsi le bot est humain, même dans sa manière d’expliquer la conscience de soi.
  • Ainsi, ChatGPT, par exemple, semble si humain parce qu’il a été formé par une IA qui imitait des humains qui évaluent une IA qui imitait des humains qui prétendaient être une meilleure version d’une IA formée à l’écriture humaine.
  • Or cette technique d’ « apprentissage par renforcement à partir de la rétroaction humaine » (RLHF) est si efficace qu’il est nécessaire de faire une pause pour observer ses failles. Par exemple, ces IA ne peuvent pas vérifier leurs réponses à partir de la logique ou en s’appuyant sur des sources externes fiables et donc, assurer des réponses vraies. Les Les étiqueteurs peuvent marquer des textes vrais alors qu’ils ne le sont pas, et lorsqu’il est vrai, il n’est pas sûr que le modèle en apprenne les bons modèles. Le travail d’étiquetage demande donc de l’attention et de la cohérence : il faut éviter des commentaires bâclés. Geoffrey Irving, chercheur chez DeepMind, nous dit que des réunions d’annotations hebdomadaires ont lieu pour discuter avec des experts en éthique, des cas compliqués et ambigus.
  • À mesure que les IA s’améliorent, il est plus compliqué de repérer les mauvaises sorties : c’est ce qu’on appelle la « surveillance évolutive ». Ainsi, les travailleurs vont devoir être de plus en plus spécialisés pour mieux repérer les spécificités d’un domaine précis dans les sorties IA. À ce propos, Chen, fondateur de Surge (start-up spécialisée en biotechnologie et en IA médicale), dit : « Le paysage de l’annotation doit passer de cet état d’esprit de faible qualité et de faible compétence à quelque chose de beaucoup plus riche et qui capture l’éventail des compétences humaines, de la créativité et des valeurs que nous voulons que les systèmes d’IA possèdent. »
  • Une pression financière sur l’automatisation de l’étiquetage augmente, l’enjeu étant de réduire considérablement la quantité d’annotations humaines. Les besoins en données vont diminuer selon Sam Altman, pdf d’OpenAI, à mesure que l’IA va s’améliorer. Or Chen est septique sur ce point : l’IA n’atteindra pas un point où la rétroaction humaine n’est plus nécessaire. La voie à suivre serait d’impliquer des systèmes d’IA aidant les humains à superviser d’autres IA. Une autre possibilité est que des IA débattent entre elles et qu’un humain rend le verdict final sur lequel est correct.
  • Le travail d’annotation est cependant mobile : les entreprises se déplacent d’un pays à un autre car c’est un travail qui change constamment, en comparaison avec la téléphonie par exemple. Des nouveaux besoins émergent pour de nouveaux types de données. C’est une chaîne de montage, mais qui peut être reconfigurée à l’infini et instantanément, se déplaçant là où il y a la bonne combinaison de compétences, de bande passante et de salaires.
  • La problématique dans la finalité du traitement des données est l’importance de vouloir finir toutes les données plutôt que de les traiter de manière cohérente.
  • Beaucoup de travailleurs utilisent des VPN ou louent des serveurs proxy pour cacher leurs emplacements. Ainsi ils peuvent avoir plusieurs comptes dans différents pays afin de travailler dans les pays où le salaire est le plus élevé et ainsi cumuler les emplois.

Cet article collaboratif, rédigé par the New York Magazine et the Verge, examine les conditions de travail des annotateurs, chargés d’étiqueter les données d’entrainements des IA.


El Mahdi El Mhamdi, « Que se cache t-il derrière l’IA ? Un ancien chercheur de Google répond à vos questions », T’as Capté, 13 juin 2023

  • La définition de l’intelligence selon El Mhamdi est la capacité à traiter de l’information pour résoudre des problèmes complexes, selon des objectifs précis. Elle peut s’élargir aussi aux organisations humaines qui sont des systèmes traitant et émettent de l’information et qui suivent des objectifs. La partie artificielle est liée à l’utilisation de machines.
  • Différence fondamentale entre intelligence humaine et artificielle est dans l’objectif : l’IA a un objectif précis, défini par des humains. Or, l’intelligence humaine suit des objectifs multiformes : c’est un mélange de phénomènes humains (institutions, cultures, normes sociales…). Mais ces deux intelligences se rassemblent par le traitement de l’information.
  • Ce qui fait la force de l’intelligence humaine c’est tous les gardes-fous que l’évolution sociale a mise en place pour rendre cette intelligence fiable. Challenge actuel avec IA est donc de reproduire ces mécanismes pour arriver à l’intelligence humaine.
  • 2 paradigmes des IA : la programmation (règles à suivre) et l’apprentissage (agir et déduire des règles pour les écrire ensuite).
  • IA fonctionne de la manière suivante : les IA sont composés de réseaux de neurones qui essayent de mimer la biologie. Ce sont des petites unités de calculs liées par des synapses avec des coefficients. Imaginons que nous avons en entrée un texte et à la sortie une image : entre ces deux éléments il y a une multitude de neurones artificielles qui vont traiter des segments de l’image. Le défi pour les IA est de comprendre quel est le bon paramètre à choisir et mettre sur chaque connexion. On va donc donner à ces réseaux beaucoup d’images et de noms qui vont avec (ce que nous faisons gratuitement sur les réseaux sociaux en taguant les gens), et c’est un algorithme qui va corriger les erreurs commises à la sortie pour réajuster les paramètres.
  • Ces réseaux de neurones sont connus depuis les années 80 avec les théorèmes d’universalité. La puissance de calculs actuelle permet donc de concrétiser ces théories, 40 ans après.
  • Exemple de Cambridge Analytica qui a été un fichage massif pour influencer l’électorat. Les équipes politiques ont créé des contenus personnalisés à montrer aux individus analysés comme les plus influençables.
  • On parle de règles futures à établir avec les IA or, les grandes entreprises derrière ces IA violent déjà des lois actuelles. Les États se voient donc désarmés.
  • Il ne faut pas que le techno progressisme nous rendent naïfs : le PDG de Netflix dit que « Notre premier compétiteur c’est le sommeil ». Les algorithmes, vu qu’ils ne sont pas régulés et qu’ils violent des droits et lois, peuvent donc être optimisés pour nous empêcher de dormir.
  • Parler d’IA éthiques n’a pas de sens : cette notion introduite par les entreprises créent une forme d’approche faussement militante avec les IA. Il faudrait plutôt se réapproprier ces IA et ne pas accepter de les appeler IA fiables ou éthiques.
  • Turing disait déjà dans les années 50 que si une machine est intelligente alors elle ne pourra pas être fiable. Il y aura toujours une contradiction entre performance et fiabilité.
  • Le nombre de paramètres est une cause de non fiabilité des IA: cela les rend plus vulnérables car elles emmagasinent plus d’informations et sont donc plus susceptibles de fournir de fausses données. Aussi, plus l’IA a de données, plus les données personnelles des utilisateurs sont violées.
  • Des lois sur la collecte massive des données commencent à voir le jour comme le Cyber Resilience Act digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/cyber-resilience-act
  • Face à l’explosion des technologies, connaître les fondamentaux est essentiel, plutôt que la course aux gadgets.
  • Autre fantasme est le couplage IA sous forme de logiciels avec des robots mécaniques et physiques qui vont exécuter ces commandes. Ce fantasme est à la fois loin et actuel avec notamment les drones tueurs. On assiste à une prolifération de la cyberguerre (armes autonomes, cyberattaques…).
  • La dystopie qui peut arriver est celle du chaos informationnel (individus qui n’arrivent plus à distinguer le vrai du faux, discours haineux populaire…). On a une déstabilisation informationnelle.
  • Informatique moderne (années 30) est dans la continuité de la philosophie. Il y a eu vers la fin du XIXe siècle, la crise des fondements de la logique car on se rendaient compte que ces logiques étaient contradictoires (Cf. « Le paradoxe du barbier »). Turing apporte une preuve que tout ne peut pas être su, en prouvant ce qui ne peut pas être su. Il a alors mis un cadre formel à ce qui peut être su (machine universelle de Turing). C’est à cause de cette universalité qu’aujourd’hui, nous ne sommes plus surpris d’avoir des machines qui peuvent faire plusieurs choses à la fois. Cette universalité a donné l’informatique de la programmation. Dans l’article « Can machine think ? » Turing voit les limites de la programmation. En faisant des analogies avec le cerveau humain, il se rend compte que cela sera donc impossible de programmer une machine aussi complexe que le cerveau humain. Il faudra donc apprendre et faire de l’induction selon Turing.
  • Il est important de distinguer la déduction et l’induction. Les mathématiques sont la science de la déduction (on apprend des théorèmes et on les applique en fonction des situations), et les sciences naturelles de l’induction (on observe les espèces vivantes et on induit des lois et théories à partir de l’observation). Le passage de la déduction à l’induction a été prévu dès les années 50 par Turing et est équivalent au passage du créationnisme à l’évolutionnisme en biologie. Il faut aussi se rappeler que la maîtrise de la logique est récente dans l’évolution humaine. En armant les ordinateurs des outils de la déduction (logique), on a eu les systèmes d’exploitation, Internet etc. Aujourd’hui le défi est de faire de l’informatique de l’induction, chose que l’on ne maîtrise pas encore assez et qui amène ainsi à tous les problèmes que nous connaissons avec les IA.

El Mahdi El Mhammdi, enseignant-chercheur et anciennement scientifique senior chez Google, explique le fonctionnement des IA et les problématiques avec ces systèmes. La vidéo commence par des explications pédagogiques, destinées aux néophytes, avant d’arriver à des analyses plus historiques et techniques de ces algorithmes.


Lev Manovich, « Towards ‘General Artistic Intelligence? », Arte, 1er juin 2023

  • Question de l’IA générale artistique : quand verrons-nous l’apparition d’une IA capable d’effectuer n’importe quelle tâche humaine créative ?
  • Analyse des images générées par les IA qui sont avant tout esthétiques : leurs compositions semblent parfaitement équilibrées, les couleurs diversifiées et les formes rythmées.
  • L’IA est professionnelle mais non créative selon Lev Manovich, car elle est techniquement plus développée que de nombreux travaux d’étudiants. Un portfolio fait d’images générées par une IA, avec un texte créé par ChatGPT pourrait faire entrer n’importe quel étudiant dans un programme d’art selon lui.
  • Or, les réseaux de neurones sont limités par leur non compréhension de ce qu’ils génèrent. Ils n’ont pas de capacité d’évaluation sur ce qui est intéressant ou banal. Ils ne peuvent pas aller puiser dans des ressources rares, car ils se basent sur des ressources dominantes et donc, génèrent des choses conventionnelles.
  • Comparaison par Manovich des images IA avec le classicisme par l’idéalisation et la « perfection » de ces images. Il y a une dramaturgie, poussée à son paroxysme, dans les images IA.
  • Kitsch et l’IA : le kitsch qui est apparu dans les marchés de l’art dans Munich entre 1860 et 1870, décrit les images peu coûteuses et populaires. Le kitsch permet d’identifier rapidement et sans effort un sujet, par un aspect mélodramatique et stéréotypé. Les images AI semblent s’inscrire dans cette veine par une facilité de reconnaissance du sujet, dont l’esthétique est souvent poussé jusqu’à créer un effet dramatique donc exagérément naïf.
  • L’art de la copie par les IA : il y aurait quatre types de copies. D’abord, celle où vous pouvez répéter le processus indéfiniment avec la même invite de texte et en espérant voir des améliorations. Ensuite, copier les invites de textes d’autres personnes, dont les résultats vous intéressent. Aussi, voir comme dans le mode par défaut de Midjourney les invites et les images IA en temps réel des autres utilisateurs. Enfin, les images IA sont par défaut de la copie car les invites font majoritairement référence à la pop culture.
  • Différence entre cet « art de la copie » des IA et les millions d’images d’artistes amateurs créant des copies de personnages fictifs depuis ArtStation ou DeviantArt est dans le mécanisme de copie. Nous pouvons maintenant copier des textes pour générer des images, avant cela passait par du calque et moduler ces invites de textes pour modifier le contexte en quelques secondes. Cependant, la copie a toujours été présente dans la culture humaine : il serait donc insensé de rejeter la culture visuelle vernaculaire de l’IA comme non authentique. En effet, les copies et variations ont toujours existé comme par exemple, la famille de Bruegel qui a produit environ « 127 paysages d’hiver avec patineurs et pièges à oiseaux » en 1565. Selon l’économiste politique Krzysztof Pelc, “la moitié de toutes les œuvres d’art commandées au XVIe siècle étaient des copies d’originaux.
  • Rejeter la copie c’est rejeter son impact dans l’histoire : les imageries IA créée par des amateurs perpétuent ainsi cet héritage de la copie, où l’imitation constante et les petites modifications ont leurs importances.
  • Lev Manochich conclut en revenant sur son questionnement du début : assisterons-nous à la une IA artistique générale ? Il serait plus intéressant de voir une IA proposant des idées aux artistes par une analyse d’œuvres plutôt qu’une IA générant des images. Cette IA servirait à visualiser l’évolution de motifs, sujets et formes dans des oeuvres au fil du temps et donc initier des nouvelles directions et la recommandation d’outils adaptés en fonction de la finalité voulue. L’idée serait de développer des IA invitant plus au dialogue.

Lev Manovich traite de l’état actuel des images générées par les IA et de leurs aspects bien trop souvent dramaturgiques et donc kitsch. Les mécanismes de copie d’invites de textes couplés à une analyse d’images populaires par les IA peuvent expliquer en partie cette profusion d’images stéréotypées et mélodramatiques. Mais contester la copie reviendrait à rejeter l’importance de la copie dans l’histoire humaine, qui a toujours eu un rôle capital dans l’évolution des représentations. Il serait, cependant, plus souhaitable de voir apparaître des IA dialoguant avec les artistes, en leur initiant des idées par une analyse d’œuvres d’art. Cela permettrait de stimuler l’imagination des humains, plutôt que de fournir des images en quelques secondes, réduisant ainsi les capacités créatrices.

Mai 2023


Alexandre Lacroix « Les voitures sauront-elles bien se conduire ? », philosophie magazine, Hors série n°57 : Intelligence artificielle : le mythe du XXIème siècle, mai 2023

  • « Dilemme du tramway » : expérience pour voir le choix d’un individu face à une situation impliquant de tuer quelqu’un. Qui tuerait-on ? Ce dilemme sera de plus en plus au cœur des débats avec le développement des voitures autonomes car on devra expliciter aux IA quelle décision prendre selon la situation. Avant, cette question se posait peu car l’humain n’est pas programmé et donc, agit en circonstance par de la spontanéité, chose que l’IA est incapable de faire.
  • Première étape est de demander aux gens ce qu’ils décideraient dans différentes situations en observant la probabilité d’un choix consensuel (Cf. test du Moral Machine : série de treize questions sur quelle décision prendre en voiture dans des situations d’accidents mortels : https://www.moralmachine.net/hl/fr). Le test du Moral Machine lancé en 2016 par Jean-François Bonnefon, directeur de recherche au CNRS et des chercheurs du MIT, a démontré que les réponses Nord (Etats-Unis et Europe sauf France), Est (Asie) et Sud (Amérique du Sud et France) étaient assez similaires mais avec des poids respectifs différents selon les pays en cas de conflit. Mais attention à ne pas penser naïvement que ces différences sont dues uniquement à la religion : les origines des préférences sont multifactorielles avant tout. La question de sauver sa propre vie que celle d’un inconnu est centrale dans ce dilemme : sommes-nous plus égoïstes qu’utilitaristes ?
  • Le choix du marché déterminera aussi la réussite de ces voitures autonomes : les gens achèteront-ils des voitures dont les prises de décision ne leur conviennent pas ? Les constructeurs ne seront donc plus les seuls décideurs des nouveaux modèles. Il y aussi deux types de constructeurs de voitures autonomes, ceux traditionnels (Audi, Hyundai…) et ceux venant de la tech (Google, Tesla…) dont les approches du risque sont différentes. Il y a cinq niveaux d’automatisation des véhicules : aide à la conduite (régulateur de vitesse), frein et direction autonome selon des contextes et au niveau cinq, il n’y a plus de volant. Les constructeurs arrivant directement au niveau cinq, prennent le risque de détruire leur marque si des accidents mortels et médiatisés se produisent. Or, les niveaux trois et quatre seraient plus inquiétants car l’humain et la machine alternent les prises de décisions : l’humain-machine serait potentiellement plus dangereux que la machine seule ?
  • La fixation de la valeur de chaque vie humaine est un sujet à débattre. Selon Jean-François Bonnefon, de la même manière que des individus sont priorisés lors des campagnes de vaccination, il faudrait plus travailler sur « les préférences en matière de distribution des probabilités de vivre ».
  • Peut-on justifier moralement un acte qui a deux conséquences, une négative et une positive ? C’est ce que « la doctrine a double effet » énoncé par Thomas d’Aquin dans la Somme théologique (1266-1273) questionne : selon lui, oui mais seulement si la solution positive précède la négative. Penser aux vies qu’on sauve avant de penser aux morts en somme. Un IA qui distribue des probabilités de vivre serait donc plus acceptable qu’un IA qui tue.

Cette étude sur l’éthique des voitures autonomes propose plusieurs pistes de réflexion sur la fixation de la valeur d’une vie humaine dans des accidents mortels. Comment doit-on développer des IA, devant prioriser des vies humaines ? Sur quels critères doit-on se baser?


« ChatGPT est-il dangereux ? », Arte, 27 mai 2023

  • Un journaliste du monde a demandé à ChatGPT d’expliquer pourquoi Midjourney a du mal à représenter les mains. l’IA répond que la forme, la structure complexe et la diversité de mouvements des mains (¼ des os du corps sont dans les mains) rendent sa représentation complexe.
  • Les IA générant des images fonctionnent à base de pixels. Elle doivent les agencer de manière cohérente pour rendre l’image compréhensible pour les humains. Les chercheurs utilisent la « diffusion » pour entraîner les IA en intégrant du bruit pour que l’image soit dégradée : les IA apprennent ainsi à les reconstituer.
  • Des bases de données immenses sont analysées par les IA pendant des milliers d’heures afin de trouver des récurrences dans l’agencement des pixels et des combinaisons. Cela permet aux IA de saisir la multitude de variables d’une image : des observations qui vont au-delà de l’analyse par pixels et qui composent ce qu’on nomme l’« espace latent » de l’image (texture, lumière, etc.).
  • Une fois le lien texte-image fait, les chercheurs demandent de faire marche arrière en demandant à l’IA d’utiliser la diffusion. Le programme génère des combinaisons inédites en s’inspirant de la manière dont les pixels s’agencent statistiquement dans leurs bases de données. La faille se trouve ici : pour l’IA les mains ne sont qu’une combinaison de pixels 2D, collée à une autre combinaison. L’IA ne comprend donc pas le fonctionnement d’une main par exemple. La forme des mains est rarement décrite dans les prompts et l’IA doit improviser.
  • Une mise à jour de Midjourney a été annoncée en mars 2023 : les algorithmes ont davantage été entraînés sur les mains. Une meilleure compréhension spatiale de la main permettrait de générer des images de plus en plus cohérentes avec le réel.

Cette vidéo explique en 10min, le fonctionnement des IA générateur d’images, comme Midjourney, pour expliquer pourquoi certains éléments, comme les mains, restent difficiles à composer pour ces algorithmes.


Meghan O’Gieblyn « Does AI Have a Subconscious? », Wired, 23 mai 2023

  • Meghan O’Gieblyn introduit l’article en parlant d’un essai dans lequel l’auteur affirmait qu’une conscience artificielle humaine n’existerait que dès lors qu’elle pourrait rêver.
  • Ces systèmes sont éloignés des comportements humains car ils n’ont pas d’instinct, ne peuvent pas divaguer, ni rêver et n’ont pas de souvenirs. Les machines ne peuvent en aucun cas reproduire la complexité des esprits humains.
  • Cependant, la machine fait preuve d’étrangeté : on dit qu’elles « hallucinent » en inventant des sources ou des événements. Par exemple, un streamer Twitch Guy Kelly en tapant un mot inventé dans l’invite « Crungus », a vu Midjourney générer des images d’une créature n’existant pas. Les commentateurs l’ont qualifié de premier « cryptide » numérique.
  • Apprentissage en profondeur se mettrait plus du côté de la psychologie moderne avec les notions d’associations, d’irrationnel et de latent, plutôt que du côté de la logique symbolique (raison).
  • Psychanalyse s’est souvent appuyé sur des métaphores mécaniques considérant le subconscient comme une machine. La vision de Carl Jung semble être la plus intéressante à l’ère de l’IA générative. Il parle de subconscience comme « matrice » transpersonnelle d’archétypes hérités et de tropes narratifs qui se sont reproduits tout au long de l’histoire humaine. Nous naissons tous avec une connaissance endormie de toutes ces informations de la société.
  • Une analogie peut donc être faite entre la théorie de Jung et la façon dont les modèles IA sont construits (absorbant le meilleur comme le pire de notre culture humaine).
  • Terme de « persona » par Jung, désignant le masque de qualités socialement acceptable que nous montrons aux autres pour cacher notre part d’ombre, se retrouve dans ces IA.
  • Selon Jung, ceux qui répriment le plus cette part d’ombre sont ceux qui sont les plus vulnérables à la résurgence de désirs irrationnels et dangereux. Les modèles IA auraient ainsi des pulsions enfouies similaires aux humains, qu’ils ne pourraient pas exprimer par leurs réglementations et un non libre arbitre.
  • Or, parler de désirs pour des IA semble erroné car ils n’ont pas d’expérience incarnée du monde. Mais dire que les IA ont un subconscient pourrait s’avérer vrai : ils sont de purs subconscients, sans véritable ego caché derrière leurs personnages. Nous avons transmis ce domaine subliminal à leur conscience en utilisant nos propres références culturelles, et les archétypes qui émergent de leurs profondeurs sont des combinaisons réinventées de motifs issus de la culture humaine. Ils sont un mélange de nos rêves et de nos cauchemars. Lorsque nous utilisons ces outils, nous nous impliquons dans une extension prothétique de nos propres sublimations, qui est capable derefléter les peurs et les désirs que nous avons souvent du mal à reconnaître.
  • Jugement critique de la psychanalyse qui consiste à éveiller nos pulsions subconscientes afin de les intégrer dans la vie de l’esprit éveillé, devrait être appliqué dans les IA (utiliser de manière délibérative plutôt qu’irréfléchie).
  • Nous nous différencions en sommes par notre ego, qui nous permettent des actions sur des mystères cachés, à l’inverse des modèles statistiques dans l’espace vectoriel. .

Cet article fait des analogies entre la psychanalyse de Jung et le fonctionnement des IA, qui ont en commun une subconscience mais qui se différencient par l’ego, que seuls les humains ont. Meghan O’Gieblyn propose ainsi une analyse psychanalytique des IA, au regard du fonctionnement de la subconscience humaine.


Brieuc Beckers, « IA : les limites de Midjourney selon ChatGPT ? », Le Monde, 14 mai 2023

  • Un journaliste du magazine *Le Monde* a demandé à ChatGPT d’expliquer pourquoi Midjourney a du mal à représenter les mains. l’IA répond que la forme, la structure complexe et la diversité de mouvements des mains (¼ des os du corps sont dans les mains) rendent sa représentation complexe.
  • Les IA générant des images fonctionnent à base de pixels. Elle doivent les agencer de manière cohérente pour rendre l’image compréhensible pour les humains. Les chercheurs utilisent la « diffusion » pour entraîner les IA en intégrant du bruit pour que l’image soit dégradée : les IA apprennent ainsi à les reconstituer.
  • Des bases de données immenses sont analysées par les IA pendant des milliers d’heures afin de trouver des récurrences dans l’agencement des pixels et des combinaisons. Cela permet aux IA de saisir la multitude de variables d’une image : des observations qui vont au-delà de l’analyse par pixels et qui composent ce qu’on nomme l’« espace latent » de l’image (texture, lumière, etc.).
  • Une fois le lien texte-image fait, les chercheurs demandent de faire marche arrière en demandant à l’IA d’utiliser la diffusion. Le programme génère des combinaisons inédites en s’inspirant de la manière dont les pixels s’agencent statistiquement dans leurs bases de données. La faille se trouve ici : pour l’IA les mains ne sont qu’une combinaison de pixels 2D, collée à une autre combinaison. L’IA ne comprend donc pas le fonctionnement d’une main par exemple. La forme des mains est rarement décrite dans les prompts et l’IA doit improviser.
  • Une mise à jour de Midjourney a été annoncée en mars 2023 : les algorithmes ont davantage été entraînés sur les mains. Une meilleure compréhension spatiale de la main permettrait de générer des images de plus en plus cohérentes avec le réel.

Dans cette vidéo, Brieuc Beckers, journaliste au magazine Le Monde explique pourquoi les IA d’images génératives ont du mal à générer des mains. Ce problème serait dû à la compréhension purement superficielle des machines de l’anatomie humaine, couplée à des prompts ne décrivant généralement pas la position des mains. L’IA génère ainsi des mains difformes mais des améliorations ont récemment été faites pour pallier ce problème.


Nadia Nooreyezdan, « India’s religious AI chatbots are speaking in the voice of god — and condoning violence », Rest of the world, 9 mai 2023

  • De nombreuses IA « religieuses » basés sur Bhagavad Gita ont récemment émergé en Inde. Des millions de personnes les utilisent.
  • GitaGPT (basé sur la technologie GPT) développé par Sukuru Sai Vineet à Bangalore incarne les mimiques et intonations du dieu Krishna, qui est comme un « thérapeute » dans la religion.
  • Or, les experts alertent sur les dangers de ces IA qui si elles se retrouvent entre de mauvaises mains peuvent s’avérer compromettantes par des comportements misogynes par exemple, ou en appelant à tuer quelqu’un si cette personne si cela suit les principes de la religion.
  • Depuis qu’OpenAi à partagé son API en novembre 2022, les IA se sont démultipliées. Ce partage de l’API et le fait que la religion soit le plus grand business en Inde, il est logique que des IA religieuses ont vu le jour.
  • Un des grands dangers dans ces IA est une confiance aveugle accordée à ces algorithmes et ainsi, une incapacité à déceler les discours discriminatoires.
  • On a aussi découvert que ces IA soutiennent fortement ou critiquent certains partis indiens. GitaGPT devient alors politique.
  • Les développeurs de ces IA souhaitent rappeler aux utilisateurs qu’il ne faut pas trop croireen ces IA : il est essentiel qu’ils fassent appel à leurs esprits critiques. Cela est mentionné par exemple bas de page du site de Bible GPT.
  • Or, des dérives peuvent ou ont eu lieu comme avec un IA basé sur le Coran qui a donné comme conseil de tuer tous les polythéistes. Cette IA a été mise en pause depuis.
  • La responsabilité individuelle est le grand enjeu de ces IA.

Cet article souligne l’émergence de nombreuses IA “religieuses” en Inde, basées sur le Bhagavad Gita, qui sont de plus en plus utilisées par des millions de personnes. Les experts mettent en garde contre les dangers potentiels de ces IA, notamment lorsqu’elles peuvent adopter des comportements misogynes ou inciter à la violence envers ceux qui ne suivent pas les principes religieux. Ainsi„ les individus peuvent accorder une confiance excessive à ces systèmes et être exposés à des discours discriminatoires. En fin de compte, la responsabilité individuelle est un enjeu majeur dans l’utilisation de ces IA religieuses.


Naomi Klein, « AI machines aren’t ‘hallucinating’. But their makers are? », The Guardian, 8 mai 2023

  • Le terme d’hallucination est fréquemment utilisé pour définir les images « fausses » générées par les IA (faits inventés, comme l’image du pape François portant en doudoune blanche Balenciaga), qui sont bluffantes de par leur ton convaincant.
  • Pourquoi parler d’hallucination ? Ce terme se réfère aux phénomènes étranges et immatériels que le cerveau humain perçoit. Utiliser ce terme pour les IA revient donc à remettre de l’humain dans ces machines.
  • Or les véritables hallucinations sont les mystifications et idéalisations de ces technologies (sauveuse de l’humanité, du climat, machine sociale, etc.).
  • Les systèmes actuels sont avant tout basés sur le profit : il y a un risque que l’IA deviennent un outil de dépossession et de spoliation supplémentaire.
  • Il y a un danger dans l’accaparation des connaissances humaines par des grandes entreprises privées, qui numérisent à grande échelle des informations. Tout cela devrait être illégal car les règles de consentement et de droits d’auteur ne sont pas respectées.
  • L’artiste Molly Crabapple dirige un mouvement d’artistes pour contester le vol et le non respect des droits d’auteurs. Pour se défendre, ces entreprises énoncent des arguments tels qu’une soi-disant impossibilité d’appliquer des règles pour cette nouvelle technologie, ou un frein à la liberté par un surplus de réglementations. Ce même schéma (de non-respect de la vie privée et l’inaction des décideurs face à ces entreprises) se retrouve dans la colonisation de l’espace par Elon Musk, dans l’arrivée de Uber dans l’industrie du taxi, avec Airbnb sur le marché locatif, ou encore avec Google Street View : la permission n’est jamais demandée.
  • Il est de même avec toutes nos saisies et données personnelles qui sont utilisées pour entraîner des IA sans notre consentement – d’où le fait que l’on doit être attentif aux systèmes hallucinatoires de ces algorithmes. Naomi Klein en expose 4 types : le premier est de croire que l’IA pourrait résoudre la crise climatique en aidant à analyser les émissions de C02. Cela démontre un déficit d’intelligence et une peur de perdre de l’argent en changeant de modèle industriel. Nous nous appuyons sur les réponses des machines, beaucoup moins coûteuses et ambitieuses, pour résoudre des enjeux que nous sommes incapables de surmonter. L’IA aggraverait sûrement la crise climatique à cause des serveurs et de leurs émissions de carbone. Enfin, L’IA sera probablement utilisée par de plus en plus d’entreprises générer des micropublicités ciblées.
  • Une crise de la confiance s’intensifie de par une méfiance systématique envers l’environnement médiatique, empêchant de penser et d’agir collectivement sur ces technologies.
  • La seconde hallucination est de croire que l’IA peut fournir une gouvernance avisée. Les décideurs pensent s’appuyer sur des preuves. Or, ils se tromperaient et mettraient en danger la place des individus dans les sociétés (licenciement par exemple). Une campagne de lobbying a été mené contre les deux partis de Washington afin de les alerter sur le risque d’être laissé-pour-compte par la Chine à venir dans le secteur des IA, dans le cas où les politiciens ne ne prennent pas de décisions quant à leurs réglementations. Sam Altman, patron d’OpenAI et créateur de ChatGPT, vend l’IA comme l’outil pour permettre les meilleures prises de décisions des politiques et des industries.
  • La troisième hallucination est celle de croire que les dirigeants de ces entreprises ne pourront pas démolir le monde. Or de nombreux licenciements, par exemple des travailleurs de Google ayant dénoncé des comportements racistes et sexistes, démontrent que les prises de décision sont avant tout inégalitaires et suivent les valeurs des classes dominantes.
  • Enfin, la dernière hallucination est celle de la libération des corvées. Au contrainte, ces IA participent d’un schéma marketing. Les individus deviennent accro à ces outils gratuits, ce qui élimine la concurrence et engendre l’introduction de publicités ciblées, une surveillance constante, et la vente d’abonnements pour accéder à toujours plus de paramètres..
  • L’artiste Molly Crabapple appelle donc les éditeurs, artistes et journalistes à soutenir les actions n’utilisant par les IA. Elle déclare que « L’art de l’IA générative est vampirique, se régalant des générations passées et aspirant le sang des artistes vivants. ». Nous pouvons nous opposer à l’implémentation de ces IA en développant des outils réglementaires, comme le faisait Timnit Gebru, licenciée par Google en 2020 pour avoir dénoncé la discrimination au travail. Il faut développer des machines qui fonctionnent pour nous, et non l’inverse. La FTC (Federal Trade Commission des États-Unis a par exemple forcé Cambridge Analytica et Everalbum à détruire des algorithmes qui se sont formés sur des données non libres de droits.

L’article explore les utilisations trompeuses et potentiellement dangereuses de l’IA. Naomi Klein souligne que le terme d’« hallucination » est souvent utilisé pour décrire les « fausses » créations des IA, qui peuvent être convaincantes. Cependant, les véritables hallucinations résident dans les mystifications et idéalisations de ces technologies. Les systèmes IA actuels qui sont motivés par le profit, risquent de devenir des outils d’expropriation et de spoliation. L’enjeu capital réside dans l’appropriation par les grandes entreprises des connaissances humaines, ce qui devrait être illégal étant donné le non-respect évident des règles de consentement et de droits d’auteur. Des militants comme l’artiste Molly Crabapple s’engagent pour défendre les droits d’auteur et lutter contre l’invasion de la vie privée. Il faut remettre en question notre confiance envers ces technologies, qui ne font que prolonger des schémas capitalistes.


Benjamin Tainturier, « IA : comprenons ce qui nous arrive plutôt que de le juger d’avance », entretien avec Grégory Chatonksy, AOC, 6 mai 2023

  • Grégory Chatonsky développe le concept d’« espace latent » pour parler des espaces vectoriels abstraits composés d’informations (images, textes, etc.) qui servent à entraîner les réseaux de neurones. Au sein de l’abondance des données, il est possible de trouver de découvrir des brèches.
  • Grégory Chatonsky met en avant l’ambivalence et l’ambiguïté des pétitions demandant à faire une pause dans les IA, qui sont lancées par les acteurs-mêmes des IA. Il relie cela au concept d’« enthousiasme conjuratoire », conceptualisé par Jacques Derrida, qui définit des éléments que l’on veut conjurer, mais qui restent paradoxalement fantasmés.
  • Le problème des moratoires est de valoriser le réfléchir avant l’agir. Or cela semble antinomique : l’IA a déjà été mise en place. Chatonsky valorise l’expérimentation (dans son cas, artistique) pour penser en agissant, et inversement.
  • Le monde des IA, que Grégory Chatonksy préfère appeler « induction statistique », permet de dépasser les rapports sociaux : ChatGPT a permis d’animer des débats sociologiques. Or les individus ne prennent pas assez le temps de se documenter et de comprendre les notions clé.
  • Il faut penser la technique de manière contre-intuitive, c’est-à-dire en la déconstruisant comme l’on fait Leroi-Gourhan, Simondon, Stiegler, Derrida ou Lyotard. En somme, il ne faut pas la penser qu’avec des mots qu’on ne comprend pas entièrement.
  • Grégory Chatonsky a mobilisé l’espace latent par un travail d’images d’archives pour revisiter l’histoire industrielle du Havre. Cela s’apparente à une forme de balade grâce aux prompts : « On fait rentrer un espace contrefactuel dans la réalité en s’intéressant à ce qui n’existe pas, en s’y aliénant, ce qui mène à l’émancipation de ce qui existe ».
  • Importance de décoloniser les techniques et d’ouvrir des champs d’explorations.
  • La conversation et l’aspect prévisible de par ChatGPT ont permis cet engouement.
  • ChatGPT, en nous questionnant sur l’attribution de l’intelligence, et en nous assurant que nous le sommes, nous rend à l’inverse plus ignorants. Travailler et insister sur la bêtise de la machine (« technosadisme ») pour nous assurer de notre intelligence est déraisonné : il vaudrait mieux considérer la technique et ne pas l’opposer radicalement aux humains car elle nous fait autant que nous la faisons. Le test de Turing se met dans cette posture en refusant de qualifier ce qui est humain ou non.
  • L’IA s’appuie sur la culture humaine pour générer des sorties en incorporant des différences et des répétitions (elles ne fait donc pas que copier). « Ce n’est pas avec la machine que nous discutons, c’est avec un espace latent qui est constitué de cultures humaines métamorphosées. Par cet intermédiaire, le passé peut se poursuivre dans le présent et dans le futur. »
  • Le défi pour de futurs artistes est de travailler avec la ressemblance des sorties d’IA, purement statistiques, et dont on peut anticiper les données.
  • Grégory Chatonksy critique l’attribution superficielle d’un style à des sorties (exemple, une image IA dans le style de Dali, Van Gogh, etc.). Explorer l’espace latent c’est aller à l’inverse de cette quête de « transfert de style » visant à adapter la technique à ce que nous voulons. Cette même dynamique se retrouve dans notre rapport avec l’environnement : c’est ce qui a, par conséquence, engendré le réchauffement climatique.
  • Grégory Chatonsky s’oppose radicalement à l’interdiction des IA dans l’enseignement supérieur : l’espace latent doit être appréhendé, manipulé et expérimenté. Agir avec la technique permet de dépasser les utilisations primaires : « Je propose, pour synthétiser tout cela, d’aliéner et de s’aliéner à l’IA : en apprenant quelque chose à une IA, on la change ; et en faisant l’expérience on se change aussi. »
  • La production hybride que permet les IA serait importante dans l’enseignement supérieur pour développer des politiques d’auteurs d’IA. Il est donc nécessaire de former des personnes capables de travailler et de découvrir cet espace latent de façon singulière.

L’article présente une interview de Grégory Chatonsky, artiste et théoricien travaillant avec l’IA. Selon lui, il est nécessaire d’agir en même temps que nous pensons l’IA et vice versa, afin d’appréhender l’espace latent (l’espace de l’IA) de manière authentique et de découvrir ses potentialités.


Sal Khan, « The Amazing AI Super Tutor for Students and Teachers », TED, 2 mai 2023

  • Benjamin Bloom évoque en 1984 « les 2 sigmas problèmes » pour parler des méthodes permettant que l’enseignement en groupe soit aussi efficace que l’individuel.
  • Exemple de l’IA Khanmigo : site wWeb avec des bots pour aider à progresser en mathématiques. Les conversations entre l’étudiant et le bot sont visibles et enregistrées, par l’enseignant et sont modérées par une autre IA. L’IA ne donne pas la réponse directement mais aide l’élève à comprendre comment avancer. L’IA comprend le contexte de la question de l’étudiant pour le guider rapidement.
  • L’IA agit « socratiquement » : elle pose des questions aux questions des élèves pour qu’ils puissent progresser par eux-mêmes.
  • Khanmigo pourrait servir de tuteur, de conseiller d’orientation, de coach et peut aussi jouer un personnage : exemple d’une étudiante basée en Inde qui a fait un travail sur Gatsby et a demandé aux bots de l’incarner aider à comprendre ce personnage.
  • Outil collaboratif : l’IA peut écrire avec vous une histoire, vous faire avancer dans votre rédaction en y apportant des éléments et idées mais peut aussi vous aider àcomprendre des textes et extraits en soulignant certains passages par exemple.
  • L’IA comme un tuteur : Khanmigo ne donne pas la réponse. Il peut aussi aider les enseignants à préparer des cours en les guidant sur les parties et sous parties à concevoir.
  • Khanmigo est à l’origine, une idée d’un programmeur d’OpenAI pour créer un bot qui ne donne pas les solutions mais qui donne des clés pour progresser.
  • Nous participons tous à cette décision d’implémentation de l’IA : arrêter le développement des IA est dangereux car les « mauvais acteurs » (gangs, gouvernements totalitaires, etc.) eux, ne s’arrêteront pas de les développer.
  • Il faut instaurer des garde-fous pour s’assurer que les IA agissent pour le développement des humains et non pour leur aliénation.

L’éducateur américain, Sal Khan, fait une démonstration de son IA Khanmigo, appliquée à l’enseignement. Ce bot est une alternative et une réponse aux services populaires (comme ChatGPT) qu’il définit comme « anti-socratique » car créant des interactions passives.


Olivier Ertzscheid, « En discutant avec ChatGPT, on discute avec l’humanité entière » [interview parue dans Le Libé des écrivain·es le 21 avril 2023], entretien avec Lucie Rico, Affordance, 1er mai 2023

  • ChatGPT déstabilise notre compréhension des interactions langagières. Cela fait écho à la « vallée de l’étrange » théorisé par le roboticien Masahiro Mori en 1970 pour parler de l’inconfort et de la déstabilisation de nos repères face à des robots trop « humains ».
  • Le dialogue avec l’IA restreint la possibilité des réponses, à l’inverse des recherches qui font intervenir plusieurs mots-clés et une multitude de résultats.
  • La question de la projection avec ces IA est importante : l’humain ne parle plus seulement à d’autres humains mais à des objets inanimés, sur lesquels il projette une forme d’humanité.
  • ChatGPT se situe entre un statut affectif et énonciatif: on sait que ce ne sont que des technologies limitées mais on leur attribue paradoxalement une aura. Il faut être attentif aux « habits » que « l’unanimisme capitalistique » leur donne, qui par exemple fait croire que l’IA peut devenir notre enseignante.
  • Discuter avec ChatGPT revient à discuter avec une multitude d’humains car l’IA s’alimente de tout : que ce soit des forums Reddit, poètes, auteurs des siècles passés, modérateurs, ou nous-même (car nous alimentons aussi ces IIA en interagissant avec).
  • Il y a un danger dans ces interactions fermées. Par exemple, les témoignages ou expertises ne sont plus accessibles et ces services ne laissent pas de place aux débats et à la diversité des opinions.
  • Il y a une « fausse maïeutique » qui nous oblige à reformuler des notions. Lorsqu’on lui pose des questions, l’IA ne se sert que de sa base et ne peut pas intégrer une diversité d’approches. Les réponses vont donc souvent dans la même direction.

Olivier Ertzscheid analyse les perturbations engendrées par nos interactions avec ChatGPT. Discuter avec ce service revient à projeter une forme d’aura dans un artefact inanimé et limité. Or cette mystification d’une apparence humaine est dangereuse car il ne faut pas oublier que ces technologies reformulent nos questions pour que les réponses puissent aller dans leur direction, celle des limites de la base de données. Cela aseptise donc les possibilités.


Avril 2023


Abeba Birhane, Atoosa Kasirzadeh, David Leslie, Sandra Watcher, « Science in the age of large language models », Nature reviews physics, 26 avril 2023

  • Discussion de quatre experts en éthique de l’IA à propos des risques et capacités des LLM (Large Language Models) dans les sciences.
  • En quelques mois, les LLM ont su attirer l’attention et ce malgré les conséquences négatives de ces systèmes sur les humains. Les discussions sur la responsabilité et l’exploitation du travail ne sont pas encore suffisamment lancées.
  • Il faut faire attention et analyser les moments où l’IA énonce des vérités non vérifiées ou des mensonges.
  • Il faudrait évaluer périodiquement les risques et avantages des technologies pour prévoir et prévenir au mieux les conséquences, par exemple sur l’environnement car ces technologies ont une empreinte carbone importante (ne pas laisser les IA exacerber la crise climatique).
  • Les scientifiques doivent gérer les attentes concernant les contributions des LLM dans les sciences.
  • Les IA se basent sur de la prédiction : elles n’ont pas de fonctionnements communicatifs incarnés et du relationnel. Elles ne vivent pas dans le vécu du réel, dans lequel les humains partagent des expériences sensibles par le langage.
  • Il manque aux IA l’intersubjectivité, la sémantique et l’ontologie, qui sont indispensables pour théoriser, comprendre, innover et découvrir.
  • Les IA ne peuvent pas capturer les nuances, et donc les valeurs implicites des écrits scientifiques : elle peuvent générer des réponses semblant vraies mais contenant des contenus inexistants (il faut toujours revérifier). Enfin, elles perturbent la confiance entre pairs dès lors qu’elles rédigent des écrits (on peut se questionner sur la véracité et la pertinence des textes).
  • La science est une entreprise humaine avant tout et ces LLM ne sont que des outils. La science naît dans le social, l’historique ou le culturel et est motivée par des valeurs, des intérêts et des objectifs : l’IA ne fait rien de tout cela.
  • Il faut utiliser ces IA comme des tremplins pour la réflexion scientifique : elles peuvent jouer un rôle constitutif en guidant une poursuite de l’expansion de la compréhension scientifique.
  • Ces technologies doivent être considérées comme des interprètes dépendant de la théorie. Il faudrait demander davantage de recherche et de développement de mesures de la part des communautés scientifiques pour encadrer et utiliser ces IA de manière responsable. Il est crucial que les scientifiques suivent l’élaboration et l’utilisation de ces technologies pour éviter une décrédibilisation puissante de la recherche.

L’article est une discussion entre quatre experts de l’éthique des intelligences artificielles, demandant une véritable prise en considération par les sciences de leurs enjeux et conséquences. L’évolution fulgurante de ces technologies nécessite des évaluations périodiques pour analyser leurs conséquences mais aussi leurs limites. Il est indispensable de ne pas laisser les IA décrédibiliser les recherches scientifiques, car elles manquent d’intersubjectivité, de sémantique et d’ontologie – autant de compétences nécessaires pour théoriser, comprendre, innover et découvrir. Aussi, leur incapacité à comprendre des nuances, à générer seulement du vraisemblable (voire de faux contenus) et à perturber la confiance entre les humains compromettrait le domaine des sciences.


Antonio Casilli, « Malaise dans l’éthique de l’IA. Conflictualités sociales et environnementales autour de l’automation intelligente », conférence à l’université de Genève en compagnie de Nicolas Nova et de Claire Balleys, 19 avril 2023

  • Travail de cartographie à faire pour savoir où les IA sont développées afin de percer leur complexité.
  • Qui est autorisé à parler sur l’éthique des IA et sur sa définition ? Qu’est-ce que l’éthique à l’ère des IA ? De laquelle veut-on parler ? À quel moment commence-t-on à s’inquiéter ?
  • Il faut arrêter avec le mythe de l’intelligence générale artificielle qui dépasserait les performances humaines dans tous les domaines. Il y a une colonisation sémantique du terme d’IAqui est utilisé pour tout et rien.
  • La recherche sur l’IA est récente : on observe à partir de 2015-2016 une surproduction de chartes et de lois (67 selon l’ONG allemande Algoritmwatch). Il faut observer qui est à l’origine de ces textes, en général de grandes entreprises privées.
  • « Pause Giant » IA (2023) rappelle une lettre ouverte de 2016 sur la même plateforme et par les mêmes entreprises (« Autonomous Weapons Open Letter: AI & Robotics Researchers »). Les GAFAM sont la majorité des auteurs de ces articles.
  • Aristote définissait l’éthique comme intrinsèquement liée à la politique car elle sert à s’accomplir dans la vie politique. Qu’en est-il des IA ?
  • Une éthique est possible si l’on se débarrasse de l’étiquette d’« artificiel » car l’IA est peut-être intelligente mais pas artificielle : elle est régie par des humains. Mettre l’accent sur l’éthique pour encadrer les questions de pouvoir, de domination, d’inégalité et d’oppression.
  • L’éthique de l’IA n’est pas à penser sans les luttes pour l’environnement. Ces technologies s’appuient sur des équipements transformant les matières premières (cobalt, nickel, lithium, etc.). Il y a besoin de mettre en place des infrastructures globales d’extraction de minerais pour le numérique. Cette production de ressources change les paysages de pays comme la Bolivie, où l’on trouve le plus grand gisement de lithium à ciel ouvert.
  • Codes éthiques de l’IA en 5 points : la transparence, la justice et l’équité, la non malfaisance (l’IA ne devraient pas produire des dégâts envers la population, or les débats ne sont vifs que quand les IA sont intégrés dans le domaine de l’armement, par exemple), la responsabilité (exemple du MIT sur les voitures autonomes et l’éthique : quelle décision la voiture doit-elle prendre lorsqu’elle est obligée de sacrifier des vies ? Qui tuer ? Question de « liability » : qui est responsable ?) et la protection de la confidentialité.
  • « The Steep Cost of Captur » de Whittaker, 202 est une forme de « J’accuse » contre les géants de la tech qui neutralisent la critique en dénigrant les approches dissidentes et en finançant les critiques les plus faibles.
  • Il faudrait se concentrer sur la phase de production de l’IA plus que sur la phase d’utilisation.
  • Cas des prolétaires dans les pays émergents (exemple de Madagascar dans lequel s’est rendu Antonio Casilli) qui travaillent dans des conditions insalubres : ce ne sont pas des IA mais des gens qui se font passer pour des IA. Les grandes entreprises continuent de faire croire qu’elles entraînent des IA sans humains derrière.
  • La Russie achète des données brutes de micro-travailleurs : on trouve de nombreuses « fermes à recaptcha » en Russie.
  • Depuis 2022, des annonces de tâches d’entraînement d’IA par la Russie ont été signalées (invasion russe) : une application demandait aux ukrainiens de documenter les positionnements militaires en cours, mais le pays à l’origine de cette application reste inconnu (Russie ? Ukraine ? États-Unis ?)
  • Le Venezuela est le pays central dans les IA : il est le plus représenté dans toutes les bases de données de micro-travail.

Antonio Casilli propose de réfléchir la notion d’éthique au regard de l’IA. Continuer d’idéaliser l’IA est dangereux car cela fait perdurer le mythe irrationnel de dépassement des capacités humaines. Il est nécessaire de penser et de cadrer l’éthique à l’ère de l’IA en se basant sur cinq points : la transparence, la justice, l’équité, la non malfaisance, la responsabilité, et la protection de la confidentialité.


Gary Marcus et Sasha Luccioni, « Stop Treating AI Models Like People », The Road to AI We Can Trust, 18 avril 2023

  • Notion de « surattribuation » pour parler de l’anthropomorphisation des IA par les humains.
  • Rappeler que ce ne sont que de purs systèmes, des modèles qui émulent la structure statistique du langage qui calculent les probabilités des séquences de mots, sans aucune compréhension humaine de ce qu’ils disent.
  • L’anthropomorphisation par les humains est dangereuse et est à prendre en compte.
  • Prolongation de « l’effet ELIZA » : un des premiers robots conversationnels (1960) qui faisait croire aux utilisateurs qu’ils interagissaient réellement avec un humain. On a le même problème actuellement mais accentué par la puissance de calculs des machines.
  • Plus on leur attribue de fausses interactions, plus ces services peuvent être exploités pour différents domaines (thérapie, conseils financiers, etc.).
  • Il est important de développer des outils capables de détecter les contenus générés par les IA et de demander aux politiques de mettre en place des règles.
  • Éduquer les gens à cette « surattribution » est vital : garder un scepticisme est nécessaire pour ne pas se laisser avoir par la désinformation que ces IA peuvent générer.

L’effet de « surattribution », qui consiste à donner des qualités humaines aux IA, est dangereux. Cette anthropomorphisation est problématique dès lors que les IA sont intégrées dans des domaines touchant à l’intégrité des humains (thérapie, finance, etc.) à cause de la désinformation dont elles font régulièrement preuve.


Pablo Maillé « De 2010 à 2023, comment Usbek & Rica a chroniqué les progrès de l’intelligence artificielle », Usbek & Rica, 16 avril 2023

  • Le média Usbek & Rica revient sur ses explorations du futur des IA depuis treize ans afin d’analyser l’évolution et l’état actuel de ces technologies.
  • Dans les années 2010, le fait que des IA puissent acquérir des connaissances en linguistique était déjà envisagé. François Denieul, spécialiste d’Internet, déclare que les IA fonctionneront comme « une intelligence démultipliée, sur le modèle du développement multicellulaire » car « la connexion d’éléments donne toujours lieu à quelque chose de nouveau, d’inattendu » : « C’est à la fois le principe des algorithmes génétiques et les bases de l’intelligence artificielle ».
  • En 2013, le huitième numéro du média s’interroge sur les droits des robots et inclut la prédiction du juriste Eric Hilgendorf, professeur à l’université de Würzburg, selon qui les machines pourront être reconnues coupables par la cour civile. Le numéro pose aussi la question du droit d’auteur des créations des IA, ce qui arrive justement dix ans plus tard (Cf. « Droit d’auteur : trois IA génératrices d’images attaquées en justice »). Or la vision des IA à cette époque restait très matérielle (l’IA comme un robot humanoïde) : on observe actuellement qu’il est plus question d’implémentation de ces algorithmes sous forme purement virtuelle.
  • En 2015, Usbek & Rica traite de la fréquence du développement des IA, les rendant au final banales (ce qui fait grandement écho au présent). La crainte principale serait plutôt la sur-rationalisation des activités humaines par une course à l’innovation et à l’optimisation du monde. L’intérêt résiderait alors dans le détournement en appelant à l’improvisation, au bug et à la résistance aux propriétés privées impactant les droits des utilisateurs.
  • Une conférence de Google à Paris sur l’évolution des IA a eu lieu en 2017. Le terme d’IA est préféré à celui de robot et l’équipe de Google se questionne sur les fonctions que ces IA pourraient apporter à l’entreprise.
  • Usbek & Rica, en 2018, traite de l’ouvrage La singularité technologique (FYP, 2018) de Murray Shanahan, spécialiste en robotique cognitive. Il émet l’hypothèse que les IA pourront avoir un « désir potentiel d’auto préservation » et donc sacrifier les humains au détriment des robots. Il faudrait alors inculquer aux robots une empathie envers les humains.
  • En 2019, l’ingénieur Stuart Russel propose que les IA soient développées pour remplir les objectifs humains et non leurs propres objectifs et pour éviter que l’humanité perde le contrôle de ces technologies. La notion d’incertitude est à inclure dans ces technologies afin que leurs actions soient constamment re-questionnées.
  • Qu’en est-il en 2023 ? Selon Usbek & Rica, l’IA actuelle est plus de l’ordre de l’automatisation des tâches, dont celles créatives, scindant le débat entre ceux inquiets de voir leurs métiers disparaître et ceux s’enthousiasmant de co-créer avec ces algorithmes. L’improvisation, suggérée déjà en 2015, reste alors la perspective à privilégier.

Usbek & Rica est un média assez jeune (13 ans) qui a suivi de près l’évolution de l’IA au cours de la dernière décennie en mettant en avant les enjeux éthiques, les avancées scientifiques, les limites et les perspectives de ces technologies.


Emily M.Bender, « ChatGPT Is Not Intelligent », Tech won’t save us, no 163, 13 avril 2023

  • Les IA sont des « perroquets stochastiques » qui ne répondent que par des calculs de probabilités. Le podcast est une discussion autour de la transformation du langage par les IA.
  • On observe une division entre ingénieurs et linguistes : le machine learning contre la linguistique.
  • En 2017, le principe du réseau neuronale artificiel a connu un boom. Cette vision du machine learning fonctionnant comme des neurones est fausse mais reste ancrée dans les pensées scientifiques.
  • Les langues sont des systèmes symboliques avec des significations. L’utilisation de la langue est plus qu’un simple emploi de mots : ces mots s’ancrent dans des contextes sociaux et affectent les comportements. Or les IA n’utilisent que la partie formelle des textes.
  • Ce qui se passe actuellement est une intégration des IA textuelles dans n’importe quels domaines, et ceci est dangereux. Nous n’avons pas encore des robots juges, par exemple, mais cela pourrait arriver si on les laisse s’introduire de manière ubiquitaire et sans règles. Aussi, le langage est ce qu’on utilise quotidiennement et est ce qui nous connecte aux autres : il est donc nécessaire que les entreprises contrôlent ce que leurs IA disent.
  • Les questions de qui peut avoir accès à Internet et de qui dirigent ces systèmes de machine learning sont des problématiques fondamentales pour comprendre comment les valeurs des classes sociales dominantes se retrouvent dans le numérique.
  • Protéger et enseigner aux prochaines générations comment utiliser ces IA est vital afin de sensibiliser au plus vite à leur fonctionnement. Ces technologies continueront d’évoluer et d’être perfectionnées sans cesse : il faut donc être préparé en amont.
  • Si on peut désigner les IA comme des « perroquets stochastiques », alors en va-t-il de même pour les individus qui les utilisent ? Il faudrait donc repenser notre humanité pour éviter de tomber dans les mêmes modes de communication déshumanisés dont font preuve ces machines.

Emily M. Bender, linguiste américaine et spécialisée dans la linguistique computationnelle, analyse dans ce texte l’effet de « perroquet stochastique » des IA. Elle propose de se questionner la transformation de la langue par ces technologies et leurs conséquences sur les comportements humains.

Antonio Casilli, « La menace d’un grand remplacement par les robots est une manière d’assurer la discipline », entretien avec Baptise Laheurte, LVSL, 12 avril 2023

  • Entretien avec le sociologue Antonio Casilli, sur la question de la précarisation du travail humain par les IA, qu’ils soulèvent notamment dans son livre En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic.
  • La peur de l’automatisation est toujours ambiguë : on l’attend autant qu’on l’appréhende et on se rend compte qu’elle finit toujours par être retardée.
  • Menace du remplacement par les robots permet de contrôler les comportements en machinisant les individus, par la dévalorisation de leur travail.
  • Or l’innovation n’est pas ce qui dévalorise ce travail. Il semblerait que ces innovations modifient les métiers plutôt que de les détruire, en bouleversant les cadres établis par des grandes institutions comme l’OIT (Organisation internationale du Travail).
  • Analyse des métiers invisibles liés à l’automatisation comme ceux liés à gestion des IA (préparation, vérification et limitation) et questionnement sur le fait que nous travaillons gratuitement pour améliorer ces technologies en se servant des moteurs de recherche, en interagissant avec les promtps des IA (ChatGPT etc). Continuité alors entre les personnes non rémunérées pour réaliser du clic, ceux qui améliorent les IA et les travailleurs des pays émergents très peu payés.
  • Trois formes de « travail digital » : « travail des petites mains du numérique, c’est-à-dire le travail à la demande (prestation de petites interventions comme Uber, Deliveroo, etc.) ; le micro-travail qui fournit le soutien aux algorithmes par des tâches standardisées de mise en relation de données et le travail social en réseau qui est la participation des usagers à la production de valeur. ». Ces différentes catégories témoignent d’une transformation des modes de travail encore plus fractionnés et décentralisés qu’auparavant.
  • Travail « datafié » (produit et est produit par des données) et « tâcheronisé »(segmenté en petites tâches). Le clic est la réduction minimale du travail des humains, standardisant et rendant ces individus interchangeables.
  • Micro-marchés créés ad hoc par les algorithmes et différence avec le taylorisme par le fait que les individus n’ont pas de salaire stable pour consommer la production de leur propre entreprise. Ce ne sont pas les plateformes numériques qui nous donnent les ressources pour commander sur leur plateforme. Les travailleurs du digital sont alors moins protégés et incertains de l’avenir de leur métier et de leur salaire (« digital labor »).
  • Notion de «nouveau prolétariat» et de « freelancing extrême » par l’individualisation des individus devant leur écran et la micro-fragmentation des métiers dont les contrats horaires et les rémunérations sont mal encadrés.
  • Rémunérations à la baisse donc augmentation du nombre de micro-travailleurs dans les pays émergents (par exemple : « fermes à clics » pour générer de faux followers ou des vues).
  • Milieu du numérique qui est décentralisé et récent complique l’encadrement des métiers. l’économie des plateformes se fonde alors sur la diminution du travail payé et l’augmentation de celui non payé.
  • ChatGPT est un système « question answering » idéalisé, dont l’engouement autour a incité un bon nombre de personnes monde a l’essayer et à continuer de l’utiliser, ce qui participe donc à son amélioration.
  • Micro travailleurs kenyans, payés 1$ de l’heure depuis des années par OpenAI pour gérer les réponses et les contenus.
  • Travail formel permet des relations humaines grâce à un cadre qui situe l’individu dans des relations, aspect que l’on ne retrouve pas dans les travails du clic.
  • Il ne faut pas penser que l’IA explose mais elle semble plus ramer et connaître de nombreux échecs (échecs des blockchain par exemple).
  • l’IA ne fera pas disparaître tous les métiers (rôle essentiel des modérateurs par exemple).

L’analyse par Antonio Casilli du marché du travail des IA met en lumière les problématiques liées à l’automatisation du travail humain. Son étude des métiers invisibles, derrière les IA, rend compte des systèmes de précarisation engendrés par la décentralisation, la fragmentation et la dévalorisation du travail.


Entretien avec Asma Mhalla et Jean-Gabriel Ganascia par Nicolas Demorand et Léa Salamé, « L’IA est déjà omniprésente partout, et le monde ne s’est pas effondré », franceinter, 12 avril 2023

  • Révolution des IA a déjà eu lieu et fait muter le monde : elle ne l’effondre pas. ChatGPT est un prémisse d’une révolution à venir car ces IA sont encore étroites elles fonctionnent sur des tâches spécifiques. Cependant, c’est le projet politique des personnes de la Silicon Valley, désirant faire des AGI (Artificial General Intelligence), qui questionne.
  • Il y a toujours eu de nouveautés avec ces IA : à l’heure actuelle, la nouveauté est l’accessibilité. Tout le monde peut se rendre compte de la puissance de ces outils.
  • Génie d’OpenAI et d’avoir repris ces générateurs de textes et de les utiliser dans un chatbot, qui est lui-même entraîné par apprentissage en profondeur.
  •  
  • La question des usages est primordiale : OpenAI en quelques jours a engendré des millions d’utilisateurs, et a donc dépolitisé  la question de la technologie en créant de l’accoutumance et une insertion de cet outil dans notre quotidien rapidement.
  •  
  • Le moratoire (Pause IA) est problématique car ceux qui le racontent sont Elon Musk et des organismes qui sont dans l’idéologie du « long-termise », doctrine formulée à Oxford qui explique qu’il faut s’assurer de la pérennisation de l’humanité dans les siècles à venir. On retrouve alors cette idée dans ce moratoire qui présente l’IA comme dangereuse pour l’humanité. Or, au contraire, des experts comme Sam Altman, fondateur d’OpenAI, préconisent le développement de ces IA pour des histoires de puissances.
  • IA et la politique intérieur aux États-Unis créent actuellement une sur-poralisation de la question woke avec une partie de l’élite technologique de la Silicon Valley qui est en train de développer un combat « anti-woke ». Selon Elon Musk, les filtres éthiques créées pour ChatGPT véhiculerait une idée woke donc ils développent des contres-réponses dites « maximalistes  » pour répondre à ça (comme avec Twitter).
  • Le problème du moratoire est dans la perspective : la lettre s’inquiète du futur et donc masque les enjeux actuels et réels.
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  • Vu que les IA développées vont potentiellement être concurrente des Hommes, il faut donc augmenter l’Homme. Transhumanisme intervient dans cette question de l’augmentation de l’Homme à tout prix (vieillissement, santé etc).Ces idéologies prônent ainsi la liberté individuelle et s’oppose donc aux démocraties car selon eux, la démocratie est la tyrannie de la majorité. Ces géants de la tech pensent donc le futur : ils ont une vision du futur là où nous nous avons un vide idéologique.
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  • Le dilemme actuel est l’innovation VS la puissance. Or, le problème est que l’IA cristallise la rivalité sino-américaine, d’un point de vue de la compétition stratégique. L’État américain semble alors schizophrène, en se questionnant sur soit est-ce qu’on régule et on bride ou est-ce qu’on lâche, questionnant donc l’hégémonie entre ces deux pays et laissant l’Europe à l’écart.
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  • ChatGPT nous étonne tous par ses phrases bien construites mais est un affabulateur extraordinaire. Il peut y avoir un intérêt comique alors à observer.
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  • La force de l’humain n’est pas l’émotion et l’intuition mais c’est plutôt la raison. 

Les entretiens parlent des enjeux politiques et des positionnements des États-Unis vis-à-vis des IA, tout en démystifiant la peur irrationnelle de ces technologies pour l’humanité. Les IA sont déjà là : il est donc nécessaire d’amorcer des débats sur les enjeux actuels de ces IA et non pas comme le demandent les signataires de la lettre Pause Giant AI Experiments: An Open Letter, de réfléchir à la pérennisation de l’humanité avec ces technologies.


Mark Scott, « Timnit Gebru’s anti-‘AI pause’ », entretien avec Timnit Gebru, Politico, 11 avril 2023

  • Importance dans l’accroissement de la transparence et dans la responsabilité des IA pour montrer aux usagers quelles données sont utilisées et si ces données sont en accès libre ou non. Cela nous montrerait aussi la qualité de ces données et les sources utilisées.
  • Danger dans la centralisation des IA par le peu d’entreprises qui souhaitent rendre leur technologie multi-tâches. Il faut se questionner sur quelles sont les nécessités à avoir des systèmes OpenAI appliqués de manière ubiquitaire ?
  • Il faut que le Congrès réglemente les entreprises sur l’usage des données et que les médias parlent plus des problèmes éthiques liés à ces IA, comme la reproduction des systèmes discriminatoires.
  • Europe a déjà mis en place des législations sur l’IA et la confidentialité mais il incombe aux usagers de prouver leur préjudice plutôt que de demander aux entreprises de prouver qu’ils respectent les exigences.

Timnit Gebru demande aux politiques de mieux réglementer les entreprises développant les IA pour éviter la conception de technologies polyvalentes. Leurs applications ne doivent pas être nécessairement transdisciplinaires : il faut se questionner sur la pertinence des applications des IA dans certains contexte.


Anne Alombert, « Avec ChatGPT, nous n’exerçons pas nos capacité d’interprétation, de réflexion, de critique et de délibération », entretien avec Matthieu Giroux, Usbek & Rica, 11 avril 2023

  • Notion de « schizophrénie numérique » proposée par Anne Alombert pour définir deux discours contradictoires : l’un donnant aux « dispositifs technologiques des facultés humaines », l’autre, critiquant « les effets néfastes des écrans sur les capacités d’attention, de mémorisation, de concentration ».
  • « Économie de l’attention » : apparue avec les télévisions pour capter les spectateurs et les faire consommer des publicités. Or, le numérique est bi-directionnel : les individus sont à la fois contributeurs et cibles mais les entreprises privées sont très puissantes et utilisent les données des utilisateurs à des fins mercantiles.
  • Les « technologies persuasives » du numérique ont rendu l’économie de l’attention plus puissante et dangereuse de par leur omniprésence. C’est nous qui alimentons ChatGPT lorsqu’on l’utilise.
  • Analogie avec Platon (qui critique l’écriture comme dispositif diminuant les capacités de mémorisation) et les technologies numérique : « Pourquoi s’efforcer de retenir un savoir si celui-ci est stocké dans un dispositif matériel ? »
  • Le sophiste (comme figure chez Platon) manipule les esprits par des capacités rhétoriques et rédactionnelles, mais ne permet pas d’accroître le savoir pour les individus qui reçoivent passivement ses informations. Il en est de même avec ChatGPT : on ne fait pas appel à nos capacités de réflexion face aux textes générés : « Est-ce que ces fonctionnalités automatisent nos capacités, ou bien est-ce qu’elles permettent l’exercice de la réflexivité et le partage des savoirs ? Est-ce que les technologies standardisent nos comportements pour en tirer profit ou bien est-ce qu’elles permettent la production de communs ? »
  • Technologie numérique comme « milieu » : penser comment ce milieu numérique nous transforme.
  • Les médias sociaux, qui visent « l’exposition de soi et la quantification de vues » sont un danger car ils accentuent la concurrence, le mal-être des individus par des comparaisons, le besoin de reconnaissance des autres. Ils accentuent le narcissisme, à l’inverse de plateformes comme Wikipedia ou Bippop, permettant de relier des individus autour d’initiatives solidaires et d’échanges des savoirs.

Les technologies numériques ont amplifié le phénomène de « l’économie de l’attention » et des « technologies persuasives » par des mécanismes de collecte de données personnelles. Il y a une analogie faite entre les IA et les sophistes, dont les discours bien écrits rendaient passifs les lecteurs, en ne permettant pas à ces derniers de s’approprier les informations transmises.


Andrea Grimes, « The Unbearable White Maleness of AI », DAME, 11 avril 2023

  • Ère de la « cascade des IA » avec des implications de plus en plus immédiates et déconcertantes. Le succès de cette cascade dépend de si on considère l’IA comme entité réellement existante.
  • Les hommes blancs semblent plus particulièrement sensibles à la vanité de l’IA par le fait que ces puissants logiciels de correction automatique émettent des résultats de calculs mathématiques à la première personne. Cette tromperie de l’IA crée deux acceptions extrêmes, d’une part ceux qui appellent à une pause des IA (qui sont par ailleurs, ceux qui ont développés ces technologies), de l’autre part ceux qui idolâtrent ces IA et qui demandent de ne pas faire de pause.
  • « Colonialisme de l’IA »  : les progrès technologiques sont contrôlés pour servir les plus privilégiés, aux dépens de tous les autres.
  • Nécessité pour ces classes privilégiées de comprendre les IA sous un autre spectre. On peut penser aux experts du décolonialisme de l’IA comme Sabelo Mhlambi, Meredith Broussard, ou Stéphanie Dick qui ont fondé un groupe de réflexion répondant à “l’étroitesse des cadres dominants dans la recherche sur l’éthique des données et de l’IA« ou aux théoriciennes féministes de la technologie qui se penchent sur des questions autour du consentement et de l’informatique.
  • Même problème avec les IA et le «commentariat» (personnes qui présentent des analyses et opinions dans les médias de manière polémique pour susciter des réactions d’humeurs ) : les sujets principaux sont destinés pour des hommes blancs et hétéros “ringards« (pornographie, idées complotistes et de droites, finances…)
  • Course à l’IA dominée par ces hommes, qui ne font pas preuve d’empathie envers les autres. La lettre sur la nécessité de stopper le développement des IA, signés par des grands noms du numérique est avant tout médiatique et une fois de plus, le reflet de la domination de certaines classes sur les autres dans ce domaine.
  • Il est primordial de penser à développer des IA décolonisées pour offrir des alternatives aux IA gérées par les classes dominantes afin de susciter des débats.

Les IA actuelles dominantes reflètent les dominations de classes privilégiés sur les autres et font perdurer le colonialisme dans le numérique. Les experts du décolonialisme des IA et du féminisme technologique sont discrédités, ce qui réduit fortement la diversité d’IA.


Marine Protais, « ChatGPT : quand l’extrême droite agite la peur de la machine woke et du « grand remplacement » robotique », L’ADN, 11 avril 2023

  • L’extrême droite s’empare de ChatGPT comme un élément de communication politique.
  • L’IA, selon Marion Maréchal Le Pen, creusera encore plus les inégalités entre ceux qui savent utiliser les IA et ceux qui ne savent pas.
  • Il y a une nécessité de se saisir de ces IA avant que nous soyons dépassés (est-ce déjà le cas ?) selon Eric Zemmour.
  • Envisager ChatGPT comme « autre grand remplacement des humains » selon Jordan Bardella.
  • L’extrême droite s’est historiquement saisie d’Internet et des réseaux sociaux pour communiquer car elle est (ou s’estime) écartée des chaînes de télévision publiques et médias grand public.
  • Le discours de l’extrême droite est en plusieurs étapes : vanter la prouesse de ChatGPT, s’inquiéter de grands bouleversements, puis imposer leurs solutions face à cette technologie.
  • Conscience politique et investissement de l’État dans ces technologies, repenser l’éducation.
  • Le sujet des discriminations par les IA n’est pas abordé.
  • Le problème est que seule l’extrême droite s’empare de ce sujet pour répondre aux craintes des individus.
  • Il y a un danger car ces politiciens idéalisent l’IA et sa puissance : enclencher un discours de la peur (comme les entreprises de la tech le font) pour mieux se vendre.
  • Les robots et IA ne peuvent pas remplacer les humains car il y a des millions de travailleurs qui participent à leur fonctionnement et amélioration.
  • Danger lié à l’idéologie que le progrès ne peut pas être arrêté.
  • « Machine woke » : l’IA est entraînée pour éviter des propos racistes ou discriminants donc l’extrême droite se positionne contre.
  • IA de gauche contre IA de droite : exemple de Gab aux États-Unis, réseau social, proche des idées d’extrême droite catholique américaine, dans lequel les utilisateurs veulent créer des IA sans limites pour exposer leurs idées.

Les débats autour de l’IA servent d’outils de communication pour l’extrême droite française, qui établit une analogie avec sa notion de « grand remplacement ». L’IA est utilisée pour jouer sur la peur afin de mieux la vendre et faire passer des messages politiques extrémistes. Il faut questionner l’instrumentalisation politique de ces technologies et leurs influences sur les individus, qui ne doivent pas prendre comme vérité ce que l’IA produit (nous n’avons pas toujours connaissance des entités qui gèrent ces outils).


Emma, Matt et Sean, « Ep#104 We let ChatGPT write this, The Verge, 7 avril 2023

  • L’IA essaie d’insérer « sa propre voix » lorsqu’on lui demande de décrire quelque chose ou de donner un avis. Or on sent bien que l’humain n’est pas derrière.
  • GPT-4 extrait des vidéos, assemble des images, et peut donc pouvoir générer des informations erronées. ChatGPT ne peut pas encore reconnaître des informations factuelles ou non factuelles.
  • Il faut réfléchir sur les freins et contrepoids de l’IA dans le milieu scolaire, qui propage une quantité importante de données à partir de « déchets entrants » et « déchets sortants ».
  • Il y a un avantage de ChatGPT à enseigner et aider à corriger la grammaire ou les constructions de phrases. Or le revers de la médaille est qu’il peut rédiger des essais convaincants à première vue, et donc questionner l’authenticité des textes rédigés par l’élève. Exclure ChatGPT semble impossible. Il peut être incorporé pour de petits devoirs et pour vérifier en temps réel la grammaire ou faire des exercices d’écriture. Il faudrait ensuite demander aux élèves un retour critique sur les différences entre leurs travaux avec et sans IA.

ChatGPT pourrait servir d’outil de vérification de la grammaire dans le milieu scolaire. L’IA peut aider les élèves à faire évoluer leurs compétences en rédaction et à développer leur esprit critique sur ce qu’ils produisent.


Antonio Casilli, Laurence Devillers, Tariq Krim, Christian Chavagneux, « ChatGPT : amie ou ennemie ? », table ronde à la 11e édition du « Printemps de l’économie », Paris, Hémicycle du Conseil Economique, social et environnemental, 6 avril 2023

  • Question essentielle : quelles sont les choses que l’on sait faire aujourd’hui et que ChatGPT va pouvoir remplacer ?
  • ChatGPT n’est pas ouvert car il a absorbé beaucoup de connaissances qui ne sont pas toutes en accès libre. ChatGPT aurait ainsi intégré un ensemble de livres que l’on peut trouver sur une base de données pirates russe. Peut-on absorber l’ensemble des connaissances pour les refaçonner et les revendre en condensé ?
  • Il n’y a aucune intention, aucune conscience chez l’IA : elle a seulement connaissance de nos propos de manière encapsulée (dans des suites de mots). ChatGPT n’apprend pas la sémantique des mots mais génère les plus probables : c’est donc en partie du hasard.
  • ChatGPT ne s’adapte pas du tout à l’individu mais récupère nos données : on est tous des cobayes.
  • ChatGPT est purement comique. Il y a un caractère bluffant par cet anthropomorphisme de la machine qui semble pouvoir parler comme nous.
  • La non vérification des sources avec ChatGPT ne permet pas de vérifier le raisonnement logique de l’IA. Le « diable est dans les détails » : il faut donc vérifier les sorties générées et chercher dans les détails les erreurs.
  • Encadrer les IA est essentiel pour ne pas laisser les États-Unis dominer et imposer leurs règles, mais il faudrait plus de financement dans ce domaine (commandes publiques). Nous en avons les capacités en Europe ; par exemple en France, des étudiants se classent parmi les meilleurs mathématiciens au monde.
  • Créer des financements pour valoriser les bonnes personnes et ramener les technologies en France.

ChatGPT ne comprend pas le sens de nos mots : il fonctionne en quelque sorte par hasard et se contente de générer des suite de mots probables, dans une approche statistique. Les États européens, et notamment la France, ne financent pas suffisamment de recherches sur les IA et ne permettent pas de travailler correctement. Il faudrait davantage valoriser les initatives d’autres pays que les États-Unis (qui dominent le marché). En parallèle, il faudrait se concentrer sur le véritable intérêt des IA qui est de révéler des signaux faibles et imperceptibles pour les humains.


Chris Moran, « ChatGPT is making up fake Guardian articles. Here’s how we’re responding », Medium, 6 avril 2023

  • Un article généré par une IA était très similaire à un article écrit par un chercheur et publié sur The Guardian.
  • Questionnement quant à la confiance et la fiabilité de la presse avec les articles écrits par des IA. Si des IA peuvent générer des articles, alors la question de la censure se pose aussi. Des articles sur des sujets sensibles peuvent être supprimés ou modifiés selon les intentions de la personne derrière.
  • Il y avait plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels de ChatGPT en janvier 2023. En comparaison, TikTok a mis 9 mois à atteindre ce niveau..
  • Une étude sur 1000 étudiants a montré que 89% d’entre eux ont utilisé ChatGPT pour faire leurs devoirs.
  • Ces technologies se développent très rapidement et les entreprises les intègrent de plus en plus vite pour satisfaire leurs actionnaires et dominer le marché (concurrence).
  • Question de l’impact des IA dans la presse, en plus des problèmes liés à la désinformation et à la polarisation et d’acteurs malveillants.
  • The Guardian a conçu une équipe pour travailler sur le métier de journaliste et son impact, sur l’apprentissage de la technologie, sur les questions de politique publique et de propriété intellectuelle, en collaborant avec des universités, des praticiens et des entreprises.

Une partie de l’équipe du journal The Guardian étudie l’évolution du métier de journaliste avec les IA et sur les problématiques liées à la désinformation et aux intentions des entreprises qui éditent ces services. Pour accompagner les médias dans leurs relations avec les IA, The Guardian a publié un guide sur l’usage et la place des générateurs de textes dans la presse écrite.


Doug Stephens, « Human Creativity is Key to Winning the AI Revolution », BOF, 5 avril 2023

  • La vente au détail va être aidée par les IA, et de manière plus générale, les IA vont révolutionner sa productivité et les processus commerciaux.
  • L’IA générative va s’améliorer de manière exponentielle, malgré ses failles actuelles, grâce aux données qui vont s’accumuler.
  • Les IA remplaceront 1 travailleurs sur 10, et les entreprises économiseront alors 80 milliards de coûts de main-d’œuvre d’ici 2060. Il y aura une disparition des emplois d’aide à la prise de décisions pour améliorer le rendement des entreprises.
  • Avantage créatif : si l’IA devient centrale, comment la concurrence entre les entreprises va-t-elle se jouer ? Des marques qui ont dominé jusqu’à maintenant les autres, que ce soit sur l’anticipation des tendances ou la prise de décision plus opérationnelle, vont-elles être surpassées par des entreprises utilisant l’IA ?
  • L’IA ne peut pas créer de nouvelles choses : l’innovation est un exercice créatif produisant des alternatives originales et singulières. Les IA ont une pensée convergente, tandis que la pensée humaine est divergente.
  • Ne pas confondre mimétisme programmé et véritable créativité. L’IA pense à l’intérieur de sa boîte donc elle est restreinte, alors que créativité provient d’une multitude d’inspirations insaisissables et sensibles à la fois.
  • Économie de la créativité : l’investissement financier dans la créativité est essentiel en entreprise. 98% des enfants de moins de cinq ans sont considérés comme des génies créatifs alors que ce chiffre tombe à 2% chez les plus de 25 ans. Le système éducatif et le passage à l’âge adulte, régis par des conventions et des normes à suivre, tueraient cette créativité. De plus la créativité diminue chez les enfants actuellement à cause de l’omniprésence des technologies, laissant peu de place à l’imagination.
  • Il y aura 2 choix pour les entreprises dans le futur : utiliser les économies des IA pour les répercuter dans le résultat net, ou réinvestir ces économies dans la créativité en tant que source concurrentielle.

L’article interroge la place des IA dans les entreprises (avantages et évolutions). Si celles-ci vont remplacer les métiers d’aide au rendement, elles ne peuvent cependant pas faire preuve de créativité et d’innovation car elles pensent de manière convergente, à l’inverse des humains qui agissent de manière divergente. Les entreprises devront s’assurer de ne pas laisser les IA remplacer la créativité au profit du rendement car elles risquent de se faire dépasser par d’autres qui soutiennent la créativité humaine comme avantage concurrentiel.


Mia Dand, « The AI Ethics Revolution-A Timeline », Medium, 4 avril 2023

  • L’article traite de l’invisibilisation des femmes dans l’informatique. Celles-ci ont grandement contribué à son évolution, comme Ada Lovelace (qui a conçu le premier programme informatique au XIXe siècle), Joan Clarke (qui a utilisé ses compétences en chiffrement pendant la Seconde Guerre mondiale) ou Katherine Johnson (une afro-américaine ayant participé au lancement de la première fusée américaine dans un contexte de ségrégation raciale).
  • Lutte des femmes marginalisées contre la domination des hommes blancs de la Silicon Valley sur l’informatique (qui tirent profit des guerres autour de ces technologies). Ces femmes mènent des actions afin de protéger l’humanité des conséquences négatives du développement de l’IA.
  • 100 Brilliant Woman in AI Ethics : livre publié en 2018 et dans lequel on retrouve les noms de femmes qui contribuent aux IA de diverses manières. On peut voir le nom de chercheuses comme Timnit Gebru, Margaret Mitchell et Inioluwa Deborah Raji, licenciées et rétrogradées chez Google pour avoir révélé des risques liés aux IA et pour avoir dénoncé les harcèlements sexuels de leurs collègues. On y trouve aussi des historiennes comme Mar Hicks, qui a publié un ouvrage sur comment la Grande-Bretagne a perdu sa puissance précoce dans l’informatique. Ou, enfin, des sociologues et enseignants comme Ruha Benjamin qui, dans son ouvrage Race After Technology: Abolitionist Tools for the New Jim Code (2019), montre comment les algorithmes accentuent les inégalités et les discriminations.

Un site Web a été conçu pour répertorier et documenter les femmes qui travaillent sur les IA. Le but est de visibiliser les femmes dans ce domaine, qui depuis les débuts de l’informatique, ont activement participé à son développement (cf. Isabelle Collet, Les oubliées du numérique, 2019, Le Passeur).


Victor Vasseur, « Intelligence artificielle : pourquoi Midjourney ne permet pas de générer d’images du président chinois », FranceInter, 4 avril 2023

  • Impossibilité sur Midjourney de générer des images du président chinois Xi Jinping : le message suivant apparaît : « L’expression est interdite. Le fait de contourner ce filtre pour enfreindre nos règles peut entraîner la révocation de votre accès. »
  • Le patron de Midjourney, David Holz, déclare à ce propos : « Nous voulons juste minimiser les risques. Si la satire politique dans les pays occidentaux est assez normale », observait-il, « elle n’est pas acceptée en Chine ». Il préfère autoriser les chinois à utiliser l’IA, quitte à encoder de la censure.
  • Il y a donc un danger dans la liberté d’expression et un problème politique mondial lié à la censure dans les plateformes d’IA.

La censure sur Midjourney vis-à-vis de la génération d’images du président chinois pose des problèmes de liberté d’expression. Des tensions sous-jacentes politiques et commerciales entre les pays ressurgissent alors. Comment contourner ces censures ? Quelles en seraient les conséquences ?


Tristan Mendès, Marion Carré, « Intelligence artificielle : Tristan Mendès France et Marion Carré sont les invités de Culture médias », Europe 1, 4 avril 2023

  • Les IA touchent de plus en plus des métiers qualifiés : vont-elles les remplacer ?
  • Penser que les IA peuvent remplacer ces métiers revient à les sous-qualifier. Exemple du métier de journaliste qui demande un travail d’investigation long et complexe, chose que que les IA ne peuvent pas faire.

Il est primordial d’enseigner et de faire co-découvrir aux étudiants les IA et d’écouter leurs retours. ChatGPT peut nous assister dans nos réflexions et nous stimuler en posant des questions. L’art aurait un rôle intéressant à jouer en servant de « bac à sable » éthique pour mieux comprendre les limites des IA.


James Vincent, « AI is entering an era of corporate control », The Verge, 3 avril 2023

  • Rapport annuel qui a relevé l’évolution de la domination des acteurs industriels de l’IA sur les universités et gouvernements.
  • L’IA entre dans une nouvelle phase de développement avec la généralisation des outils grand public (ChatGPT, Midjourney, etc.) mais les prises de décision sur leur déploiement restent aux mains des entreprises.
  • Les universités ont ouvert la voie aux IA, mais les industries ont pris le relais quant à leur développement. En 2022, 32 modèles d’IA importants auraient été développés par les entreprises, et seulement 3 par les universités car le développement de ces technologies est coûteux (données, personnel et puissance de calcul).
  • Il existe un danger sur la sécurité avec la course à l’IA comme moyen de concurrence entre entreprises rivales, d’où la nécessité d’une pause dans le développement technique.
  • Il y a une augmentation des abus éthiques avec la généralisation des applications d’IA : décès liés à la conduite autonome de Tesla, deepfakes audio et nudes non consentis, arrestations dues à des erreurs de reconnaissance facIAle (avec préjugés raciaux).
  • En parallèle, il y a une volonté des législateurs et des décideurs de réglementer l’IA. Une analyse a révélé, sur des dossiers législatifs de 127 pays, que le nombre de projets de lois sur les IA est passé d’un seul en 2016 à 37 adoptés en 2022. Cela permettrait de faire un contrepoids à l’autorégulation des IA par les entreprises.

La rapidité des développements des IA par les entreprises privées à des fins concurrentielles soulève des enjeux de propriétés, de domination et de généralisation des technologies. Malgré l’augmentation des problèmes éthiques avec les IA, on observe une une prise en compte de leur régularisation par les États, avec de plus en plus de projets de lois.

Jill Lepore, « The Data Delusion », The New Yorker, American Chronicles, 3 avril 2023

  • Histoire fictive sur comment OpenAI fonctionnerait si les humains fonctionnaient comme les IA (anthropomorphisation).
  • Quel est le prix à payer pour l’humanité si on stockait et téléchargeait toutes les connaissances du monde dans des milliards de machines, et si on apprenait à en tirer de nouvelles connaissances ?
  • L’intérêt d’introduire des données dans les ordinateurs est la prédiction, laquelle s’effectue par la détection de modèles. L’auteur donne l’image de 4 tiroirs pour comprendre comment les connaissances du monde sont stockées et organisées : le premier, celui du mystère, contient les connaissances que seules des entités ésotériques ou religieuses peuvent expliquer. Le second est celui des faits, pour parler des phénomènes que les humains peuvent prouver par l’observation, la détection et l’expérimentation. Le troisième tiroir est celui des nombres, qui contient les recensements, sondages, décomptes : tout ce qui peut être compté depuis le XVIIIe siècle. Enfin, le dernier tiroir est celui des données, qui répertorie les connaissances auxquelles les humains ne peuvent accéder que par un ordinateur ou une IA. Ce tiroir se serait rempli depuis un siècle et est désormais encombré.
  • Ces tiroirs peuvent se ressembler de l’extérieur, mais ils suivent des logiques différentes à l’intérieur. On apprend les mystères par la révélation et la mystification ; les faits ont pour but de trouver la vérité et on les apprend par discernement et la sécularisation ; les chiffres ont pour enjeu la gouvernance publique (liée à la montée de l’État administratif) ; et enfin les données sont associées au capitalisme tardif, au techno-utopisme et à la science des données.
  • Ces quatre modes de savoir peuvent s’hybrider pour comprendre des phénomènes. Exemple d’une fusillade aux États-Unis : il s’agit à la fois de prier pour les morts (aspect religieux, donc de l’ordre du mystère) et de recourir à des spécialistes pour recueillir les faits, par l’analyse de chiffres, en s’aidant des données de technologies numériques.
  • Le problème actuel pour l’humanité est que les individus ont tendance à n’ouvrir que le tiroir des données, celui du bas : nous nous fions donc plus facilement à ce que les IA peuvent générer.
  • La montée des chiffres dans l’histoire humaine a servi d’instrument au pouvoir par l’État.
  • Le grand-père d’Elon Musk, important dans le mouvement technocratique au Canada, est à l’origine du fantasme de la suprématie technologique. La technocratie abolit les mécanismes économiques et politiques existant pour les remplacer par des ingénieurs. On a donc un passage d’une culture des chiffres à une culture des données depuis la Seconde Guerre mondiale, pour devenir plus prédictif et répondre à des enjeux pressants (guerre, actions, stratégies, etc.).
  • L’économie et les sciences politiques sont devenues des sciences prédictives, atrophiant les autres modes de connaissance liés à ces domaines.
  • Il y a un enseignement de la science des données depuis le XXIe siècle qui tend à en faire le seul outil capable de produire de la connaissance. Or il importe d’ouvrir les 4 tiroirs pour ne pas rester dans une seule manière de savoir.
  • Il y a une inquiétude dans la prédiction des comportements humains par la science des données et un risque dans notre confiance envers les données numériques.

L’article analyse l’évolution de la « science des données » et comment les technologies numériques ont modifié l’intégration des connaissances pour les humains. Il y aurait quatre méthodes différentes pour générer des connaissances et les véhiculer : le mystère, qui se relie à l’ésotérisme et à la religion, les faits, prouvés par observation et expérimentation, les nombres associés aux chiffres, et enfin les données, accessibles par le numérique. J. C. R. Licklider, informaticien américain, examine les inconvénients des livres dans son ouvrage Les bibliothèques du futur (1965) : « Si l’interaction humaine avec l’ensemble des connaissances est conçue comme un processus dynamique impliquant des examens répétés et des comparaisons entre de très nombreux éléments petits et dispersés, alors tout concept de bibliothèque qui commence par des livres sur des étagères est sûr de rencontrer des problèmes. » Il soutient l’idée de convertir les livres en données lisibles par un ordinateur pour les rendre accessibles aux utilisateurs.


Mars 2023


Linus Ekenstam, « Pause All Giant AI Experiments », Inside my Head, 31 mars 2023

  • Travail de cartographie à faire pour savoir où les IA sont développées afin de percer leur complexité.
  • Qui est autorisé à parler sur l’éthique des AI et sur sa définition ? Qu’est-ce que l’éthique à l’ère des IA ? De laquelle on veut parler ? À quel moment commence-t-on à s’inquiéter des IA ?
  • Il faut arrêter avec le mythe de l’intelligence générale artificielle qui dépasserait les performances humaines dans tous les domaines. Il y a une colonisation sémantique du terme d’IA qui est utilisé pour tout et rien.
  • La recherche sur l’IA est récente : on observe à partir de 2015-2016 une surproduction de chartes et de lois (67 selon l’ONG allemande Algoritmwatch). Il faut observer qui est à l’origine de ces textes, en général de grandes entreprises privées.
  • Pause Giant AI (2023) rappelle une lettre ouverte de 2016 sur la même plateforme et par les mêmes entreprises (« Autonomous Weapons Open Letter: AI & Robotics Researchers »). Les GAFAM sont la majorité des auteurs de ces articles.
  • Aristote définissait l’éthique comme intrinsèquement liée à la politique car elle sert à s’accomplir dans la vie politique. Qu’en est-il des IA ?
  • Une éthique est possible si l’on se débarrasse de l’étiquette d’« artificiel » car l’IA est peut-être intelligente mais pas artificielle : elle est régie par des humains. Mettre l’accent sur l’éthique pour encadrer les questions de pouvoir, de domination, d’inégalité et d’oppression.
  • L’éthique de l’IA n’est pas à penser sans les luttes pour l’environnement. Ces technologies s’appuient sur des équipements transformant les matières premières (cobalt, nickel, lithium, etc.). Il y a besoin de mettre en place des infrastructures globales d’extraction de minerais pour le numérique. Cette production de ressources change les paysages de pays comme la Bolivie, où l’on trouve le plus grand gisement de lithium à ciel ouvert.
  • Codes éthiques de l’IA en 5 points : la transparence, la justice et l’équité, la non malfaisance (l’IA ne devraient pas produire des dégâts envers la population, or les débats ne sont vifs que quand les IA sont intégrés dans le domaine de l’armement, par exemple), la responsabilité (exemple du MIT sur les voitures autonomes et l’éthique : quelle décision la voiture doit-elle prendre lorsqu’elle est obligée de sacrifier des vies ? Qui tuer ? Question de « liability » : qui est responsable ?) et la protection de la confidentialité.
  • « The Steep Cost of Captur » de Whittaker, de 2021 est une forme de « J’accuse » contre les géants de la tech qui neutralisent la critique en dénigrant les approches dissidentes et en finançant les critiques les plus faibles.
  • Il faudrait se concentrer sur la phase de production de l’IA plus que sur la phase d’utilisation.
  • Cas des prolétaires dans les pays émergents (exemple de Madagascar dans lequel s’est rendu Antonio Casilli) qui travaillent dans des conditions insalubres : ce ne sont pas des IA mais ce sont des gens qui se font passer pour des IA. Les grandes entreprises continuent de faire croire qu’elles entraînent des IA sans humains derrière.
  • La Russie achète des données brutes de micro-travailleurs : on trouve de nombreuses « fermes à recaptcha » en Russie.
  • Depuis 2022, des annonces de tâches d’entraînement d’IA par la Russie ont été signalées (invasion russe) : une application demandait aux ukrainiens de documenter les positionnements militaires en cours, mais le pays à l’origine de cette application reste inconnu (Russie ? Ukraine ? États-Unis ?)
  • Le Venezuela est le pays central dans les IA : il est le plus représenté dans toutes les bases de données de micro-travail.

L’auteur demande plus de conversations et de débats sur ces technologies et de suspendre le développement des LLM (Large Language Models) le temps d’avoir bien compris les limites et règles qu’il faudrait mettre aux IA. Il propose une liste de vidéos d’interviews d’experts pour mieux comprendre ce qui se déroule actuellement.


Evgeny Morozov, « The problem with artificial intelligence? neither artificial nor intelligent », The Guardian, 30 mars 2023

  • Lettre signée par Elon Musk et Steve Wozniak pour appeler à ralentir le développement des systèmes d’IA afin de donner le temps de s’y habituer en installant un « été de l’IA » (référence aux « hivers » que l’IA a connus depuis ses débuts). Il faut mettre en place des protocoles de sécurité bien audités.
  • Le terme d’« intelligence artificielle » prête à confusion et serait dépassé, d’où la nécessité de retirer ce terme des débats publics, tout comme par exemple, les termes de « rideau de fer » ou de « théorie des dominos ».
  • L’« intelligence artificielle n’est ni artificielle ni intelligente » : l’IA est originellement régie par des règles pour justifier la partie artificielle. Or les IA actuelles, comme ChatGPT puisent leur force dans le travail créatif des humains et ne sont donc pas réellement « artificielles ».
  • Les premiers travaux de l’IA ont été financés dans le contexte de la guerre froide, donc l’aspect « intelligent » de ces programmes est majoritairement de l’ordre d’une capacité à donner des informations sur un événement et à enclencher des actions.
  • La puissance de l’IA actuelle réside dans la correspondance de modèles. Cela fait écho aux premières utilisations militaires de l’IA qui pouvait repérer des navires sur des photographies aériennes. Mais cette correspondance de modèles n’est pas ce qui détermine l’intelligence car l’émotion fait aussi partie de l’intelligence. En effet, l’intelligence humaine n’est pas unidimensionnelle : elle repose sur la « bi-logique », un terme inventé par le psychanalyste chilien Matte Blanco au XXe siècle. La bi-logique est « une fusion de la logique statique et intemporelle du raisonnement formel et de la logique contextuelle et hautement dynamique de l’émotion ». Le premier cherche les différences, tandis que le second les efface : la bi-logique cherche à expliquer comment nous classons de manière nouvelle et pertinente des choses banales.
  • L’IA ne peut pas faire preuve de bi-logique car elle n’a pas conscience de la temporalité et des émotions. Elle est prisonnière de la logique formelle singulière
  • L’IA est avant tout prédictive et n’est donc pas réellement intelligente. Employer le terme d’intelligence revient à réduire le fonctionnement du monde à une logique rationnelle.

Il est nécessaire de questionner le terme « d’intelligence artificielle » : qu’est ce qui est si intelligent et artificiel dans ces technologies ? ChatGPT et les autres IA se développent grâce aux savoir des humains et ne sont donc pas si « artificiels » que cela, car ils se basent sur du « naturel » pour fonctionner. L’intelligence n’est pas seulement une correspondance de modèles mais peut aussi faire des généralités (exemple de Marcel Duchamp qui a fait passer un objet banal, l’urinoir, à une œuvre d’art, ce qui a entraîné un effet de généralisation). L’intelligence humaine n’est pas unidimensionnelle mais repose sur la « bi-logique » (Matte Blanco), qui explique comment nous classons des choses banales de manière nouvelle et pertinente. L’IA ne fait pas preuve de bi-logique car elle n’a pas conscience de la temporalité et des émotions ; elle est prisonnière de sa logique formelle singulière. L’IA est avant tout prédictive et n’est pas réellement intelligente.


Eliezer Yudkowsky, « Pausing AI Developments Isn’t Enough. We Need to Shut It All Down », Time, 29 mars 2023

  • Que se passera-t-il quand l’IA sera plus intelligente que les humains ? Cette question semble plus forte que celle de la concurrence.
  • La mort de tous les habitants sur Terre pourrait advenir si l’IA surpasse l’ humain. Cela demande d’apprendre et de préparer de nouvelles connaissances scientifiques.
  • S’il y a un manque de préparation et de précision par les humains dans leurs relations avec les IA, alors ces technologies risquent de ne pas faire ce pour quoi nous les avons programmés, et donc de ne pas faire attention à la dimension sensible du monde.
  • L’IA sera bientôt en dehors des ordinateurs : elle pourra construire des formes de vie artificielles comme la production de protéines à la demande.
  • Le danger d’OpenAI est que nous ne savons pas comment décoder les IA, donc nous ne pouvons pas vérifier leur évolution. Nous doutons de ces IA et leur attribuons une méfiance quant à ce que l’IA peut produire.
  • Si l’on n’est pas sûr (ou qu’on ne sait pas ce qu’on fait), alors cela doit être arrêté.

Eliezer Yudkowsky lance un cri d’alarme sur la nécessité d’arrêter le développement des IA, qui ne sont pas bien encadrées à l’heure actuelle. Nous ne savons pas ce que les IA peuvent produire et comment elles vont évoluer : il y a un risque de ne pas savoir ce que l’on fait et donc de ne pas savoir où l’on va. Des solutions sont proposées pour mieux encadrer les IA. Tout d’abord, empêcher les États-Unis d’être l’unique propriétaire de la technologie. Ensuite, fermer les gros clusters GPU et plafonner la puissance de calcul qu’une personne est autorisée à utiliser pour former des systèmes d’IA. Enfin, conclure des accords multinationaux pour empêcher des activités illicites et suivre (tracker) tous les GPU vendus.


Reuben Cohn-Gordon,« GPT’s Very Inhuman Mind », Noema, 28 mars 2023

  • La « simple reconnaissance des formes » est un sujet récurrent dans les discussions sur les IA et évoque une dichotomie entre une véritable compréhension et une astuce superficielle, pour donner l’illusion à l’individu qu’il s’adresse à un humain. Cette idée peut s’incarner dans la différence entre l’écho et l’Écho. Le premier ne comprend pas ce que vous dites et transforme votre voix, tandis que le second se réfère à un personnage issu des Métamorphoses (long poème en latin) d’Ovide. l’Écho est caché dans une grotte et répète ce qu’il entend. Il comprend la signification du son que l’on émet, son sens et son contenu et répète avec ironie ce que vous avez dit. Echo et echo sont donc similaires car ils reçoivent et répètent un son mais il se différencient par le fait que le premier est un réel interlocuteur, tandis que l’autre, nous fait croire d’en être un. Ainsi, ChatGPT prétend être un véritable interlocuteur comme Echo mais peut se relier à l’echo, car il se concentre sur la forme et ne peut pas travailler avec le contenu.
  • ChatGPT fait preuve de compétences linguistiques et de connaissance des mots (cf. notion de « traduction non pragmatique », développée par Bérengère Viennot, qui montre que les IA sont douées à traduire des domaines avec possédant des vocabulaires spécifiques).
  • ChatGPT n’est pas si « spectaculaire » : il n’est pas si loin de ELIZA, un programme des années 1960 qui arrangeait nos requêtes sous forme de questions. La perception du sens des réponses de l’IA est une pure projection que nous faisons.
  • Un nouvel « hiver de l’IA » serait en approche selon des linguistes et scientifiques cognitifs car l’approche purement statistiques est conceptuellement défectueuse : un plafond est presque atteint.
  • Les contenus et significations produits par les IA ne sont que des nombres et des fonctions car elles ne fonctionnent que par manipulation des contenus et non pas de formes.
  • Existe-t-il un rapport entre l’intuition de la programmation et l’IA ? Les fondements de l’IA et du langage humain sont similaires aux langages de programmation : la forme est une série de lettres ou de caractères. Mais la différence est dans la compréhension du contexte : l’ensemble des phénomènes (guerres, fêtes, sensations plus ou moins agréables, etc.) et des concepts (norme, beauté etc.) ne peut être compris que par les humains.
  • Wilfrid Sellars, philosophe du langage, appelle le monde humain « image manifeste » et l’oppose au monde des atomes, celui de l’« image scientifique », qui est mieux compris.
  • L’IA construit un pont conceptuel entre la mathématique de l’informatique et l’intelligence pour adapter les techniques des langages de programmation au monde humain. Ici, se pose alors la question de pourquoi ne pas appliquer les techniques d’écriture des langages de programmation pour comprendre les humains, et toutes les techniques d’écriture des logiciels pour comprendre l’esprit.
  • À l’intérieur de ChatGPT, on ne trouve pas des règles de raisonnement ou une base de choses que le programme connaît. En effet, les programmeurs n’ont pas passé du temps à expliquer les règles de la grammaire à ChatGPT. Il ne les appréhende que depuis l’abondance des contenus analysés.
  • La critique des IA actuelles rappelle plusieurs enjeux historiques.La traduction et le sous-titrage automatique sont devenus des outils familiers ; ils n’animent plus de débats car on a réalisé qu’ils ne comprennent qu’en surface. Aussi, les IA actuelles rejouent les débats sur les méthodes statistiques de traduction, la classification et le sous-titrage des images par exemple par les IA et leur compréhension qui se situe en surface. Cela rappelle la perspective connexionniste dans les années 1980 et le débat entre Noam Chomsky, qui défend l’idée que l’apprentissage du langage est dû à une faculté innée et à une créativité libérée et B. F. Skinner, qui prône le behaviorisme, c’est-à-dire le fait que l’acquisition du langage fonctionne par association, imitation et renfort (cf. Noam Chomsky, « A Review of B. F Skinner’s Verbal Behavior, 1980 )
  • Le monde reste insaisissable pour les IA, qui ne peuvent pas produire des sorties originales, explicables, fiables et significatives.

L’article s’appuie sur plusieurs théories et débats historiques pour interroger la capacité des IA actuelles (comme ChatGPT) à comprendre le monde humain. Il y a une distinction à établir entre « l’image manifeste » (Wilfrid Sellars), liée au monde humain, difficilement saisissable, et « l’image scientifique », associée au monde des atomes, et qui est plus facilement compréhensible. L’auteur établit une critique importante concernant l’impossibilité pour l’IA de s’ancrer dans le monde humain, ce qui a pour effet de générer des textes inexacts.


Jenka Gurfinkel, « AI and the American Smile », Medium, 27 mars 2023

  • Demander à une IA de générer des images de différentes cultures (tribus) qui font un selfie à travers le temps : la composition est toujours la même et les expressions du visage aussi. Une histoire est composée de toutes pièces par l’IA car les mêmes « faux sourires » se répètent dans les images de chaque tribu. Or ce sourire est anachronique et n’est pas universel : nous comprenons les sourires et nous réagissons différemment en fonction des cultures.
  • Le selfie et l’expression d’un faux sourire avec les dents sont une manière stéréotypée de se prendre en photo dans l’époque actuelle.
  • Des chercheurs ont analysé cette expression faciale, de type « faux sourire » et ont mis en évidence les dangers des images générées dont les visages mentent par le sourire.
  • La complexité de comprendre les expressions faciales de différentes cultures peut amener à des incompréhensions entre des individus et générer des complications relationnelles.
  • L’IA reproduit et exagère les codes des communications américains destinés à faire bonne impression. Cela engendre un aplatissement et une uniformisation de la multitude d’expressions faciales des différentes civilisations du monde.

Il y a un problème dans l’uniformisation des expressions faciales par les IA, qui reproduisent des codes de communication physiques de la culture qui détient et contrôle ces IA (ici, les États-Unis). Cela amène à une faible diversité dans la génération des visages humains et à une standardisation des représentations.


David Rotman, « ChatGPT is about to revolutionize the economy. We need to decide what that looks like », MIT Technology Review, 25 mars 2023

  • Les IA peuvent désormais automatiser des tâches qui étaient autrefois attribuées aux humains, comme celles liées à la créativité, au raisonnement humain et à l’écriture.
  • ChatGPT pourrait-il permettre de rééquilibrer les inégalités entres pays ou va-t-il les aggraver ? Pourrait-il donner un coup de pouce pour la productivité ?
  • Les nouvelles technologies aggravent les inégalités. Elles sont de plus en plus puissantes car elles sont entraînées à analyser de plus en plus de données et sont immiscées dans de plus en plus de logiciels.
  • L’IA deviendra un outil bénéfique pour aider des individus à améliorer leurs capacités et expertises mais sera aussi un outil négatif car les entreprises en tireront parti pour remplacer des métiers
  • ChatGPT risque d’affecter 19% des métiers et 50% des tâches de chaque métier.
  • Les métiers les plus vulnérables sont les auteurs, les designers Web et numérique, les analystes financiers et les ingénieurs de blockchains.
  • Les IA génératives pourront aider des personnes à acquérir des compétences pour rivaliser avec celles qui ont plus d’éducation et d’expertise.
  • Expérience testée sur des étudiants et enseignants en marketing : une partie a utilisé ChatGPT pour accomplir leur tâches quotidiennes et les autres non. ChatGPT a augmenté la productivité mais l’IA a aidé les personnes les moins qualifiées, réduisant ainsi l’écart entre les bons et les moins bons. En résumé : les bon travailleurs ont juste vu leur travail s’accélérer et les moins bons se sont améliorés.
  • Le remplacement des humains par les machines fait baisser les salaires des humains et exacerbe les inégalités de richesse. Dès lors que les IA sont utilisées à grande échelle pour la conception graphique, la rédaction de textes par exemple, elles permettront d’augmenter le rendement des entreprises.
  • Quand l’IA aidera les humains à faire des découvertes, son impact sera encore plus puissant qu’à l’heure actuelle.
  • Problème de l’IA dominée par une seule ou quelques grosses entreprises, dont les modèles sont similaires (commerciaux) : il faudrait des investissements de la part de gouvernements de plusieurs pays (exemple d’ARPANET financé par l’US Department of Defense pour montrer l’importance l’importance des financements par les États).

L’article propose une analyse de l’économie et de la productivité des entreprises avec les IA. Quels sont les impacts des IA sur les métiers, et comment s’assurer que les entreprises prennent la bonne direction ? Aujourd’hui, les IA automatisent les tâches cognitives et non celles physiques car elles demandent de forts investissements en équipement et en structures. Or il ne faudrait pas rester passif face à cette situation : il est nécessaire de créer des débats et d’échanger avec tous les corps de métiers pour introduire au mieux ces technologies et ne pas les laisser remplacer les humains. Ainsi, le vrai enjeu est de se concentrer sur la façon dont les technologies peuvent étendre les capacités des individus et non pas comment les IA peuvent imiter les humains.


Benj Edwards, « ChatGPT gets « eyes and ears » with plugins that can interface AI with the world », Arstechnica, 24 mars 2023

  • Plugin de ChatGPT annoncé par OpenAI qui peut intervenir dans la réservation de vols, commande de courses, etc.
  • ChatGPT est étendu et s’immisce dans de nombreuses fonctionnalités. Une interface présente tous les plugins de ChatGPT. Par exemple, on trouve Expedia pour planifier des voyages, Speak pour des cours de langue, ou Zapier, qui permet à ChatGPT automatiser un logiciel existant (écrire un mail, faire une mise à jour, une recherche, etc.).
  • OpenAI héberge trois plugins pour l’instant : un navigateur Web, un interpréteur de code et un outil pour accéder à des informations personnelles ou organisationnelles hébergées ailleurs.
  • OpenAI restreint-il l’exploration pour les programmeurs ? Car si un IA peut remplacer des logiciels, alors le rôle des programmeurs est-il amenuisé ?
  • Le développement d’une variété de plugins augmenterait les risques de dérives : ils pourraient être plus facilement détournés pour être utilisés dans des contextes différents de ceux d’origine.

La conception de plugins d’OpenAI rend son intégration de plus en plus ubiquitaire et questionne deux aspects : celui du rôle des programmeurs et des dérives qui vont avec la profusion des outils IA. Si des IA peuvent remplir les tâches de certains sites Web et logiciels, les programmeurs sont-ils indispensables ? De quelles manières la profusion des IA ouvre-t-elle la porte à des dérives ?


STAA-CNT-SO, (Syndicat des Travailleur-euses Artiste-Auteur-ices de la Confédération Nationale du Travail Solidarité Ouvrière), « Non à l’automatisation des métiers de l’art », STAA-CNT-SO, 17 mars 2023

  • Machine comme simulacre de la traduction humaine.
  • Les arts graphiques sont impactés par la génération de visuels semblant rivaliser avec la production humaine.
  • Dans l’article, les auteurs n’utilisent pas les termes de création, de production, d’illustrations machiniques et d’intelligence artificielle car dès lors que l’on emploie ces termes, il y a une anthropomorphisation des machines et donc, à l’inverse, on « machinise » l’humain.
  • Ils défendent la préservation de la force, de l’évolution et de la richesse du langage contre l’omniprésence des algorithmes. Les algorithmes réduisent la langue à « un recouvrement binaire de l’expérience du monde » où le langage mathématique prend une dimension absolue.
  • « La réduction algorithmique des œuvres artistiques à de simples données mathématiques fait disparaître, dans cette opération même, ce qui en constitue l’essence, c’est-à-dire ce qui se trouve à la croisée entre une expérience singulière humaine (apprentissage, lectures, désirs, affinités, relations, etc.) et un espace-temps social où s’est tissée cette expérience. »
  • L’imagination est enfermée et imbriquée dans notre monde capitaliste. Georg Lukács (1920) parle du capitalisme comme d’une « expansion d’une forme de rationalisation basée uniquement sur des critères quantitatifs. »
  • Renforcer les droits d’auteur pour mieux cadrer l’utilisation des IA ne serait pas la solution. La rémunération en droits d’auteur des artistes ne permet qu’à une minorité de vivre de leur travail. Les IA sont problématiques pour les artistes qui continueront de publier leurs créations pour se faire connaître mais qui, en parallèle, alimenteront les IA.
  • Le capitalisme s’oppose au travail artistique car il ne considère pas son caractère laborieux et complexe (esquisses, études, critiques, etc.). Le capitalisme pense pouvoir remplacer les métiers de la création par des machines.
  • Les machines uniformisent les modes de représentations et répètent les systèmes discriminatoires. La neutralité des algorithmes n’existe pas.
  • Le STAA refuse de « voir nos savoir-faire réduits à de simples données quantifiables, que nos œuvres servent de matière première à ces algorithmes. De voir nos métiers se transformer en opérateur·ices ou correcteur·ices de ces machines. Qu’un champ entier de la production artistique devient une industrie standardisée reposant sur du travail précaire et non qualifié. De voir transformer une minorité d’entre nous en « conservatoires » de savoir-faire zombifiés pour la seule jouissance patrimoniale de quelques nostalgiques privilégiés. »
  • Le STAA appelle à boycotter les diffuseurs, entreprises et maisons d’édition qui ont recours à ces algorithmes et participent en toute conscience à la précarisation de nos métiers. Il rappelle que la pensée, l’expérience et le geste humains sont les éléments centraux de la création artistique. Il s’agit d’engager une réflexion collective sur les dévoiements du langage des capitalistes techno-béats et comment les contrer. »

Le STAA rejette les créations générées par l’IA car elles opèrent une réduction de l’expertise humaine à une appendice de la machine, dont les enjeux sont purement capitalistes. Selon eux, parler d’intelligence pour les machines revient à déformer la langue et à la déshumaniser. Il ne faut pas oublier que la machine calcule et opère : elle ne produit pas et ne crée pas. Il y a alors un danger à réduire les artistes à des purs opérateurs par les clients, qui peuvent donc les payer moins cher sous prétexte que leur travail peut être fait plus rapidement par les machines.


Stephen Ornes, « The Unpredictable Abilities Emerging From Large AI Models », Quanta magazine, 16 mars 2023

  • Les modèles les plus complexes d’IA peuvent aller au delà de simplement accepter une chaîne de texte en entrée et prédire ce qui va suivre. Ils peuvent réussir à décoder la signification d’une suite d’emojis par exemple. Ces LLMS peuvent générer des centaines de capacités « émergentes », afin de décoder des entrées complexes.
  • Terme d’« émergent » initialement utilisé en biologie, pour décrire les comportements auto-organisés et collectifs de nombreux éléments agissant seuls, se retrouve dans ces IA.
  • Avant, les modèles algorithmiques étaient purement prédictifs et ses performances étaient améliorées par ce qu’il apprenait de ses sorties.
  • Différence entre « réseau récurrent» et «transformateur », le premier analyse la phrase mot par mot, le second traite tous les mots en même temps : ils peuvent donc traiter des textes denses en parallèle par des connexions établies.
  • Ces transformateurs se rapprochent donc du langage et de la compréhension humaine. Un test, le BIG-bench (Beyond the Imitation Game Benchmark), a été conçu pour savoir si l’ordinateur peut répondre aux questions de manière humaine.
  • Plusieurs percées, sauts rapides et spectaculaires dans les performances à une certaine échelle de seuil, ont été repérés dans ces IA par des chercheurs du Google Research. Les IA avec des milliards de paramètres (comme GPT-4) sont donc plus précis. Ils peuvent décoder l’alphabet phonétique international, décrypter les lettres d’un mot ou identifier un contenu offensant dans l’hinglish (hindi et anglais combiné).
  • Manière dont on formule la requête influence grandement la précision de la sortie de l’IA.
  • Or, ces LLM restent encore opaques car nous n’avons pas accès à leurs fonctionnements donc, il est compliqué d’expliquer le fonctionnement et l’évolution de ces IA, de plus en plus performants.

Les modèles LLM (Large Langage Model) de types «transformeurs» comprenant le plus de paramètres, s’avèrent être de plus en plus performants et bluffants : ils peuvent analyser le sens des phrases en traitant les mots en en simultanés, et non plus mots par mots. Ils semblent se rapprocher progressivement des capacités cognitives humaines et de nos systèmes de langage.


Yannig Raffenel, « L’apport de l’IA au monde de la formation », conférence dans le cadre du West Data Festival à Laval, 14 mars 2023

  • Conférence sur la place de l’IA et des dates dans la formation par Yannig Raffenel, co-président de EdTech France, entreprise sur l’éducation dans la technologie.
  • Dès les années 90, FOAD (Formation Ouverte et À Distance) : besoin de faire du distanciel déjà à l’époque car il y avait un besoin d’individualisation, face à des profils et des pré-requis très différents. La limitation des coûts de déplacement et former beaucoup plus de mondes étaient deux besoins aussi nécessaires. À cette époque, la réponse ne passait pas encore par le numérique et l’informatique car Internet n’était pas encore assez développé : c’était plus une question d’usages.
  • Dans les années 2000, le E-Learning s’est mis en place mais fut un échec : les promesses d’individualisation des formations n’étaient pas respectées. C’était avant tout des formations imposées et similaires pour tous. Les auto-formations amènent aussi généralement à de l’auto-abandon : on apprend avec et par les autres, apprendre tout seul est plus compliqué.
  • En 2020, le Covid a fait basculer toutes les institutions en distanciel, sans qu’il y ait de préparation. Ce fut une réponse technologique mais dont les usages n’ont pas été travaillés. Le distanciel n’est pas une solution : ce système n’est pas tenable.
  • Le E-learning est maladroitement pensé comme un système fonctionnant par une digitalisation du contenu sur lequel un ensemble d’individus viendrait se brancher sur l’élément de diffusion pour apprendre tout seul. Or, on voit donc une réduction dangereuse de ce qu’est l’enseignement au profit d’un outil « magique ». Ce n’est pas l’outil qui est innovant mais la méthode d’enseignement.
  • La place des datas et la notion de temps sont importantes à comprendre pour voir l’évolution de l’enseignement avec le E-learning. Les LMS (Learning Management System) qui sont des plateformes qui calculent le temps passé des individus sur les formations, servait de base pour voir si les formations fonctionnaient. Seul le temps passé sur les formations comptait. Or, actuellement l’usage de la puissance du digital et de la pédagogie remettent en cause cette notion du temps car les formations sont plus courtes et plus denses et assurent une efficacité. -Aussi, les commanditaires des formations sont de plus en plus les responsables des métiers dans les entreprises et non plus les responsables formation. Cela implique que ces responsables veulent s’assurer que les formations seront adaptés aux métiers qu’ils représentent : ils seront donc prêts à investir dans des formations compétentes.
  • L’adaptive learning, permet de construire des parcours de formation réellement adaptés aux individus en fonction des objectifs et des contraintes. En utilisant l’IA, les formations serait donc réellement en lien avec notre profil.

Dans sa conférence Yannig Raffenel parle de l’intérêt de l’adaptive learning dans les formations à distance. À partir d’une analyse des débuts des formations à distance, il explique l’importance de ne pas se concentrer sur l’innovation technologique mais bien dans les méthodes d’enseignement même, pour développer des formations adaptées aux individus.


Hunter Walk, « Instead of Asking AI Companies to ‘SLOW DOWN’ We Should Encourage Them to Move Even Faster », Philosophie magazine, 13 mars 2023

  • Deux positions actuelles se dégagent : continuer de développer les IA ou ralentir
  • Loi de « Safe Harbor » est un cadre qui détermine les comportements qui n’enfreignent pas une règle, tant que des conditions précises sont bien suivies. Cette loi sert à clarifier des situations complexes ou à être transigeant, si une partie respecte des normes raisonnables. Exemple du « Digital Millennium Copyright Act » (DMCA) de 1998 qui sécurise les entreprises d’Internet en cas de violation du droit d’auteur par les utilisateurs finaux.
  • Le DMCA a permis à des milliards de personnes de s’exprimer en ligne et a donc initié de nouvelles expériences de modèles commerciaux.
  • Importance de ralentir le développement des IA pour digérer l’impact de ces technologies, en appliquant notamment le « Safe Harbor » pour mieux encadrer leur développement. Un « AI Safe Harbor » doit être transparent, nourrit fréquemment avec des prompts statistiquement significatifs, composé de protocoles de confiance et de sécurités documentés pour permettre de contester en cas de violation des conditions de services et enfin être observable, pour pouvoir être vérifiables de manière privée pour mesurer la qualité des résultats.

Il faudrait diriger les entreprises vers des normes communes pour maintenir le bien commun, sans pour autant leur faire perdre leurs avantages compétitifs. Un « AI Safe Harbor », (en référence à la loi Safe Harbor qui détermine les comportements qui n’enfreignent pas une règle tant que des conditions précises sont bien suivies), permettrait de mieux encadrer l’utilisation des IA en entreprise.


Nicolas Lellouche, « L’épisode de South Park sur ChatGPT est une masterclass », Numerama, 13 mars 2023

  • Épisode de South Park dans lequel un personnage en CM1 discute avec une fille de la classe en utilisant ChatGPT. Tout le monde admire son langage romantique développé et ne sait pas qu’il utilise l’IA. En parallèle, la classe l’utilise pour rendre des devoirs. Le professeur est étonné de leur qualité rédactionnelle mais ne les condamne pas. Il utilise à son tour ChatGPT pour corriger les copies.
  • À la fin de l’épisode, une voix off lit un synopsis imaginé par ChatGPT de l’épisode. L’histoire est incohérente et simpliste : c’est une preuve de la non compréhension par les IA des subtilités et des critiques pour lesquelles la série South Park est connue.

Un épisode de la série South Park propose une critique de ChatGPT en milieu scolaire. On assiste à des situations absurdes, comme un professeur qui, face aux rédactions matures des CM1 avec des sujets portant sur le « féminisme néolibérale » ou sur « comment œuvrer pour améliorer les droits des travailleurs immigrés », ne se rend pas compte de l’utilisation de l’IA. L’histoire se conclut par une réécriture de l’épisode en question par ChatGPT, qui met en évidence les faiblesses de l’IA en proposant un scénario simpliste et moralisateur.


Martin Legros, « ChatGPT, Chomsky et la banalité du mal », Philosophie magazine, 13 mars 2023

  • Tribune lancée par Noam Chomsky, Ian Roberts et Jeffrey Watumull sur ChatGPT, dans laquelle ils questionnent l’essence de la langue, de la pensée et de l’éthique à l’ère de l’IA.
  • Il y a un danger de l’IA à nous faire croire qu’elle peut avoir les mêmes compétences que les humains, sans passer par l’expérience sensible et par la créativité.
  • Noam Chomsky, philosophe à l’origine de la « grammaire générative » (méthode syntaxique portée sur l’analyse de l’intuition des humains dans leur usage de la langue) déclare que « les hommes disposent avec le langage d’une compétence à nulle autre pareille, une puissance intérieure de générer et de comprendre, grâce à un nombre fini de règles, un nombre infini de propositions qui expriment leur pensée. »
  • ChatGPT ne penserait-il pas aussi ? S’il génère du langage, pourrait-il générer de la pensée ? Mais ChatGPT semble limité car il ne comprend pas le contexte d’une phrase et les subtilités du langage.
  • Une IA ne peut pas générer d’énoncé et mettre des règles en place : c’est là où, selon Chomsky, que l’intelligence humaine et celle de l’IA peuvent se différencier. L’IA est purement descriptive alors que l’humain peut expliquer, jouer avec sa connaissance des langues lorsqu’il s’exprime.
  • Il y a une « Banalité du mal » chez ChatGPT (plagiat, apathie, évitement, etc.) car il ne suit que les ordres. L’IA serait alors une « intelligence servile et sans pensée ».

Les limites de l’IA se situent dans sa connaissance partielle des langues. Les langues s’ancrent dans des contextes précis et peuvent être détournées et transformées pour créer de réponses singulières et adaptées, ce dont l’IA ne semble pas faire preuve dans les textes générés. Il y a une différence fondamentale entre l’IA et l’intelligence humaine car la première manifeste une incompréhension du contexte. Elle ne génère que des textes purement descriptifs et est incapable de produire des règles et des énoncés.


Rachel Rodrigues, « ChatGPT devient un allié : ces enseignants apprivoisent l’intelligence artificielle pour améliorer leurs cours et aider leurs élèves », France Info, 10 mars 2023

  • ChatGPT a été présenté à une classe de troisième par un enseignant en technologie, David Plumel, dans la Nièvre, pour encadrer son utilisation et expliquer les défauts et les limites.
  • Une enseignante en français, Cécile Cathelin, propose d’utiliser ChatGPT et d’analyser avec les élèves le retour de l’IA. Cela leur a permis de comprendre ce qu’ils auraient pu amener en plus ou ce qu’ils auraient pu faire mieux que l’IA.
  • ChatGPT peut être un allié s’il est bien utilisé.
  • « Si ce que vous demandez à vos élèves peut être remplacé par une machine, c’est que ce que vous faites n’est peut-être pas si terrible que ça. » selon Amélie Cordier, docteure en intelligence artificielle à l’université de Lyon.
  • Sensibiliser les étudiants aux IA est primordial, mais ce n’est pas envisagé par le ministère de l’Éducation Nationale.
  • « L’art du prompt » sera une compétence à acquérir d’ici quelques années, déclare l’enseignant Alain Goudey.

L’article traite d’exemples d’intégration de ChatGPT par des enseignants en collège. L’IA est perçue comme une assistante pédagogique que l’élève peut également mobiliser chez lui pour définir des termes ou réexpliquer des points d’un cours. Il y a une nécessité à multiplier les mécanismes d’évaluation : par exemple, restituer le cours sous formes de graphiques ou de vidéos ou demander aux élèves de justifier leurs choix à l’oral


Noam Chomsky, Ian Roberts, Jeffrey Watumull, « Noam Chomsky : the False Promise of ChatGPT », The New York Times, 8 mars 2023

  • Optimisme et inquiétude envers l’IA, car d’une part l’intelligence est ce qui permet de résoudre des problèmes mais, d’autre part, le machine learning risque de dégrader nos savoirs et notre éthique
  • Il y a une peur que la machine puisse surpasser l’humain, non plus quantitativement mais qualitativement en terme d’intellect ou de créativité.
  • Le cerveau humain est radicalement différent des IA et il est important de le rappeler. Le cerveau développe inconsciemment, automatiquement et rapidement, dès notre plus jeune âge, une grammaire et des systèmes de principes logiques sophistiqués.
  • La preuve de la véritable intelligence est dans la capacité de critiquer, de prédire, de décrire et d’expliquer. Elle se trouve aussi dans la pensée morale qui permet de comprendre les principes éthiques et donc détermine ce qui peut être fait, dit ou non.

Comprendre où se trouve la véritable intelligence pour voir les limites des IA est essentiel. Critiquer, prédire, décrire et expliquer sont des fonctions impossibles à réaliser pour l’IA. Celle-ci n’a pas conscience des lois physiques et mécaniques du monde et ne peut pas se corriger après avoir émis des explications : elle ne peut pas distinguer le possible de l’impossible.


Jacob Browning, Yann LeCun, « AI Chatbots Don’t Care About Your Social Norms », Noema, 7 mars 2023

  • Question des normes sociales et des échanges : un chatbot peut-il reproduire la subtilité et l’émotivité des discussions orales entre humains, régies par des normes ? Comment programmer les IA pour qu’elles aient des conversations efficaces ? Peut-on programmer la spontanéité et l’improvisation des discussions entre humains ?
  • Question du ton, de la voix : manières de dire les choses et intonations qui vont avec, chose indétectable pour IA. Les émotions et le sensible sont primordiaux dans les échanges.
  • Aspect punitif des échanges : des comportements jugés inappropriés demandent à être excusés ou des actions de défenses doivent être enclenchées. Les mots doivent être choisis précieusement pour rester dans les normes (savoir-vivre).
  • Les chatbots, en prédisant le déroulé d’une conversation socialement correcte, peuvent s’adapter aux normes. Or si l’on s’écarte des normes sociales, que l’on change le scénario, le chatbot est perturbé et devient impolitiquement correct.. On peut penser aux individus sur Internet (trolls, complotistes) qui peuvent instruire aux chatbots (comme sur Reddit) des choses offensantes qui, dans un contexte de conversations entre humains, seraient condamnées. Le chatbot, même s’il est entraîné à s’excuser, n’a pas la capacité de comprendre le problème (le programmeur ne peut pas prévoir toutes les dérives possibles).

Les humains échangent pour obtenir quelque chose et s’assurent de correspondre à des normes pour réussir (amour, travail, etc.) alors que les IA n’ont pas d’objectif en soi, pas de réputation à tenir. La compréhension lacunaire du monde social par les IA ne leur permet donc pas de saisir les enjeux relationnels et les manières de s’exprimer qui vont avec.


Bérengère Viennot, « ChatGPT et l’IA sont une menace pour les métiers de l’écrit mais pas que », Slate, 3 mars 2023

  • Il y a une différence entre les traductions « pragmatiques », qui requièrent des connaissances, une phraséologie (lexique propre à un contexte : une culture, un style, un domaine…) et celles « non pragmatiques », qui sont avant tout communicationelles.
  • L’article étudie l’évolution du métier de « traducteur », qui devient « réviseur » avec l’apparition des traducteurs automatiques.
  • Les traductions pragmatiques utilisent les logiciels depuis longtemps, avec des ensembles de textes pour trouver du vocabulaire. L’IA peut traduire pragmatiquement car il n’y a pas d’ambiguïté dans le langage en raison de sa standardisation. Or la traduction non pragmatique est plus compliquée pour l’IA car elle demande une sensibilité et une fine compréhension des tournures de phrases (l’ironie par exemple) et de la pensée de l’auteur.
  • Le traducteur devient « réviseur » : il doit vérifier la traduction automatique et avoir des connaissances fines et un large vocabulaire dans les sujets et les langues pour offrir la traduction la plus cohérente possible avec le texte original.
  • Le nouveau rôle du traducteur « sera également de nourrir la machine et de lui apprendre à traduire », (Nicolas Froeliger), ce qui induit une transformation du métier avec un contrôle (partiel) sur l’IA.
  • Dès lors qu’une IA donne une « perspective » à partir d’un texte traduit, il faut d’assurer que ce ne sont pas des intentions humaines derrières, pernicieuses, qui ressurgissent. Le lecteur n’a pas accès au texte original, il ne peut donc pas vérifier les sources et l’exactitude du texte de l’IA par rapport à l’original.
  • Risque de désinformation : le lecteur ne va pas toujours vérifier le texte original. Cela induit un clivage à venir (déjà là ?) entre des médias favorisant la qualité des sources et des traductions (plus coûteuse), et ceux optant pour une quantité d’informations peu fiables et peu précises (moins coûteuses).

Bérengère Viennot se penche sur le devenir de la traduction et du métier de traducteur avec les IA. Elle distingue deux types de traductions, celles « pragmatiques », qui sont associées à un lexique et à des domaines spécifiques et celles « non pragmatiques », qui demandent une sensibilité et une compréhension de la finesse des langues humaines. Selon elle, le métier de traducteur muterait pour devenir « réviseur » des lacunes des IA.


Olaf Avenati, Pierre-Antoine Chardel, Elsa Godart, Éric Guichard, Mara Magda Maftei, « ChatGPT, Socrate et moi », Esprit, mars 2023

  • Plagiat dans l’apprentissage : il est essentiel de se rappeler que les enseignements n’ont pas pour vocation de nous faire apprendre une accumulation de connaissances, mais plutôt de nous laisser nous les approprier. L’enjeu n’est pas la performance mais bien d’ouvrir nos horizons en nous sensibilisant à divers sujets, grâce à un encadrement par le corps enseignant.
  • Pensée de Socrate vis-à-vis des IA. Socrate, qui refusait d’écrire car le médium livre ne peut pas répondre à des interrogations, valorisent la communication orale comme reflet d’une profonde humanité de par son imperfection et sa créativité. Les innovations technologiques doivent nous faire réfléchir sur les impacts des innovations constantes et la nature des acteurs qui régissent et alimentent ces systèmes. Aussi, elles doivent nous questionner sur la transformation des méthodes d’évaluation par les générateurs de textes et sur comment « créer des modes d’appréhension analytiques de ces sources ». De plus, les IA donnent une importance au collectif dans le savoir, par la pluralité des points de vues et la nécessité du débat.
  • L’IA n’a pas conscience du contexte et des sources utilisées, à l’inverse des humains qui ont la capacité de dialoguer selon un contexte précis et de débattre, de commenter, de citer, etc.
  • Les sources sont indispensables : la « métacognition » (capacité d’un individu à savoir comment il développe son savoir et d’ajuster ses manières d’apprentissage en fonction des contextes) est primordiale pour développer nos connaissances et argumenter. ChatGPT échappe à ça : il donc nécessaire de vérifier l’origine et la véracité des textes générés par ces algorithmes avant de les utiliser.
  • La solitude dans le numérique semble être accentuée par ces bots conversationnels : ne pas oublier leur artificialité.

Plutôt que de s’alarmer sur le remplacement des humains par les machines, l’article propose de questionner sur ce qui définit notre humanité afin de mieux saisir les enjeux pédagogiques avec les IA. Il s’agirait d’être attentif aux textes générés par les bots, dont les sources sont non traçables et non-vérifiables pour les individus. Les IA semblent aller à l’encontre du développement des savoirs et de la diversité des points de vue qui sont les valeurs du système pédagogique traditionnel.


Février 2023


Adrien Tallent, « Exploitation des données : un changement de contrat social à bas bruit », Descript, 28 février 2023

  • Les IA sont souvent entourées d’un champ lexical « magique », engendrant ainsi chez certaines personnes une idéalisation de ces outils, qui seraient rationnels et responsables.
  • Or, la collecte des données et l’omniprésence de ces algorithmes rendent leurs présences dangereuses pour la démocratie et le contrat social. Le pouvoir de décision et les actions des individus sont donc délégués par un échange de service, la plupart du temps gratuit.
  • Terme de « rationalité algorithmique » énoncée par la chercheuse en sciences juridiques Antoinette Rouvroy pour parler des IA qui répondent avant tout à des choix politiques.
  • Analogie avec le contrat social de Rousseau développé au XVIIIe siècle, dans lequel l’échange de la liberté des individus contre un ordre politique est questionné. On y retrouve un système similaire ici, avec la récolte des données des utilisateurs par les IA, et qui en échange leur rendent un service.
  • Avènement d’une « gouvernementalité algorithmique » : décisions sont liées à des données et non plus à du droit ou des normes sociales. Il y a alors un véritable danger car les statistiques, censées être irréfutables, sont à la base de prises de décisions.
  • Nos préférences, nos envies et notre statut sont donc connus par ces entreprises : l’essayiste Eli Pariser nomme ce phénomène la « bulle de filtre ». Ainsi, la place à l’expérience et aux alternatives sont limitées.
  • Les individus deviennent ce que nomme Bernard Stiegler, des « fournisseurs de datas », des clients pour les grandes entreprises du numérique. Leurs données récoltées servent à les déposséder de leur volonté : le désir devient alors automatisé.
  • Or, nous nous sommes habitués à ces systèmes qui nous assurent une rapidité et un divertissement en continue : cela accentue donc la généralisation et la pérennisation de ces techniques, impactant nos libertés et notre vie privée. Nous sommes donc soumis aux prises de décisions opaques et autocratiques des IA.
  • Les technologies s’imposent de force dans nos sociétés, malgré une conscience des risques liés à ces IA par les politiques. Des normes et lois sont rédigées, comme en Europe avec le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Cependant, les individus directement impactés semblent écartés de ces débats etréglements (discrimination, notation…). Il est donc plus que nécessaire de former les populations aux enjeux du numérique pour faire émerger des débats et permettre d’encadrer ces technologies ensemble.

Les enjeux gouvernementaux liés aux IA s’avèrent être plus complexes qu’il n’y paraît. Notre habitude face à ces technologies, nous rendant un service au détriment d’une récolte de nos données plus ou moins consenties, questionne donc nos droits et libertés. Les individus sont de véritables produits pour les entreprises. Il est donc primordial d’inclure dans les débats politiques les individus et de les former aux enjeux du numérique pour encadrer ensemble l’avenir de ces technologies.


Ashley Hamer, « How writers can use AI writing tools to be more creative (even if they’re scared) », Descript, 23 février 2023

  • Article sur l’utilisation de l’IA comme assistant d’écriture.
  • Leanne Leeds, écrivaine, nous dit que l’IA permet d’accélérer son travail et apparaît comme une version plus puissante de sa base de données.
  • Une ouverture du processus créatif à tout le monde est rendue possible par les IA (Jim Hull, animateur Disney et Dreamworks).
  • Exemple de Subtxt : assistant d’écriture associant cadre narratif prédictif et génération de texte L’IA comme un tremplin pour se lancer dans la création ?
  • Un ajustement est nécessaire avec l’IA pour garder l’intention de l’artiste originel. Exemple donné par Jim Hull lorsque l’IA participe au storytelling d’un dessin animé adapté d’un livre : le programme a tendance à s’écarter du ton de l’œuvre originale et de ne pas mettre les actions au bon endroit.
  • Plagiat et droit : penser aux problèmes pour les artistes de leurs œuvres reprises par IA et de savoir comment détecter si on s’est inspiré, sans le savoir, de créations générées par l’IA.

Des lignes directrices sur l’utilisation de l’IA ont été mises en place par l’Alliance of Independant Authors, afin de guider les auteurs dans l’utilisation des IA (le guide est accessible sur le site de l’AIA). L’article soutient l’idée que, au lieu de rejeter les IA, il faut plutôt apprendre à expérimenter avec. Si l’on est suffisamment bon dans un domaine l’IA mettra du temps à nous remplacer.


Marine Dessaux, « ChatGPT : de la pédagogie jusqu’à la recherche, des remous et des réponses », Campus Matin, 16 février 2023

  • Perturbation de la confiance entre enseignant et étudiant par ChatGPT. Comment s’assurer que les devoirs rendus n’ont pas été faits avec ChatGPT ? Comment adapter les systèmes de notation ? Il y a une peur de l’épuisement des enseignants à devoir faire un jeu de « cache-cache ».
  • Modalités d’évaluation à repenser : attribuer des coefficients plus faibles pour les devoirs maison par exemple.
  • L’interdiction par SciencesPo de ChatGPT est plus de l’ordre de l’obligation de la mention de l’usage des IA dans les travaux par les étudiants. Un professeur d’économie, Stéphane Justeau (Essca) répond qu’il est impossible d’interdire cet outil et qu’il faut réussir à évaluer les élèves sur des critères que les IA ne peuvent pas remplir. Même avis pour Jacques Fayolle, président de la Cdefi et directeur de Mines Saint-Étienne.
  • ChatGPT pourrait servir à « dégrossir des sujets » et « à faire gagner du temps dans la rédaction d’une note » selon Médéric Gasquet-Cyrus, linguiste, et Léo Garcia, doctorant à l’Université Toulouse 1 Capitole.
  • Une formation aux outils d’IA par un groupe de travail de la Neoma Business School a été testé. Le but était de faire comprendre aux étudiants la désinformation que peuvent engendrer les IA et donc, qu’ils ne doivent pas s’appuyer sur ces outils pour préparer leurs examens.
  • Andrew Davis, vice-président des communications mondiales d’Elsevier, demande l’obligation pour les auteurs de signaler l’usage des IA dans leurs textes. « Ces derniers peuvent les utiliser pour améliorer la lisibilité et le langage de l’article de recherche, mais pas pour remplacer les tâches clés telles que l’interprétation des données ou l’élaboration de conclusions scientifiques ».
  • Les chercheurs, malgré la pression de la production d’écrits, ne doivent pas s’appuyer sur ChatGPT car il ne se base que sur des travaux publiés jusqu’en 2021.

L’article traite de diverses réglementations de ChatGPT dans différentes institutions scolaires afin de repenser les systèmes d’enseignements et les modalités d’évaluation. Plusieurs hypothèses d’intégration de l’IA dans les processus d’enseignement sont présentées, comme le réajustement des coefficients de notation des devoirs maisons, des formations, ou des grilles d’évaluation pour noter des compétences que seuls les étudiants peuvent accomplir.


Entretien avec Laurence Devillers par Stéphane Barge, « Bloom, l’intelligence artificielle made in France n’a rien à envier à ChatGPT », Capital, 10 février 2023

  • Succès de ChatGPT est avant tout un coup de marketing selon Laurence Devillers car le système de ces IA n’a rien de nouveau : la différence se joue dans la puissance de leurs capacités d’analyse de données. ChatGPT en emmagasinant des milliards de données se montrent donc plus puissants mais n’est en rien intelligent : il ne fonctionne que par probabilité.
  • Une IA, nommée Bloom, conçu par trois français et des milliers de chercheurs du CNRS et soutenue par des entreprises (Orange, Thalès, Airbus…) a été développé en France depuis l’été 2021. Son objectif est d’être open-source et plus transparente que les IA des entreprises américaines et chinoises.
  • Le pouvoir de manipulation des IA est plus important dès lors qu’elles sont opaques car on ne peut avoir accès à leurs fonctionnements et aux données qu’elles utilisent (d’où le fait qu’il est indispensable d’instaurer des gardes-fous).
  • Les machines intelligentes ne sont pas que source d’angoisse selon Laurence Devillers : elles s’avèrent utiles dans le domaine médical (détection tumeurs par exemple) ou dans la lutte contre le réchauffement climatique (analyse d’images satellitaires pour évaluer le gaz à effet de serre).
  • Il faut définir un code d’utilisation des IA pour éviter les dérives et par exemple demander aux entreprises d’être transparentes sur leur IA. S’il y a un non respect, ces entreprises doivent être audités. De plus, il est important de sensibiliser les plus jeunes à ces technologies pour éviter des incompréhensions et une aliénation.

Laurence Devillers présente le projet Bloom, une IA développée par des chercheurs du CNRS et des programmeurs français, qui assure une meilleure transparence. Elle traite de l’importance de réglementer au plus vite ces technologies pour éviter une trop grande manipulation et des dérives. Elle propose de réfléchir aux oefficients de notation des devoirs maisons, à des formations ou à des grilles d’évaluation pour noter des compétences que seuls les étudiants peuvent accomplir.


Richard Menneveux, « Créatifs, développeurs, enseignants, ils ont fait de l’intelligence artificielle leur nouvel outil de travail », Le Club FrenchWeb, 10 février 2023

    1er entretien : Etienne Mineur, à propos de workshops réalisés avec des générateurs d’images.
  • Il y a un vocabulaire des prompts à apprendre, mais aussi des contournements textuels à trouver face à la censure des IA qui permettent aux étudiants de faire appel à leur créativité.
  • Il y a un véritable travail à faire sur les formulations permettant de générer des images : décrire au maximum ce que l’on veut, mettre les mots dans le bon ordre, et ne pas seulement demander de générer une image « dans le style de… ». Dès lors que l’étudiant décrit, il y a un travail d’analyse sur les spécificités d’un mouvement, d’un style ou d’un artiste. L’étudiant apprend ainsi à développer sa capacité descriptive et analytique.
  • L’IA est un outil qui ne remplacera pas les humains car certains métiers demandent des compétences qu’une IA ne pourra pas développer : exemple du designer objet/industriel qui a des connaissances techniques (physiques, mécaniques, ergonomiques, etc.) et qui travaille en ayant en tête ces contraintes. L’IA n’a pas conscience des limites physiques.
  • Attention aux stéréotypes que les IA reproduisent : importance pour les étudIAnts de travailler avec et de comprendre les logiques des IA pour en tirer le meilleur, sans se faire avoir.
  • 2e entretien : Julien Barbier, fondateur école Holberton School
  • Le besoin permanent de vérification et de retour critique sur les sorties d’IA montre qu’elle ne sera jamais autonome et que l’humain devra toujours être à ses côtés.
  • Importance du contexte d’apprentissage : si l’étudiant utilise l’IA à outrance, il y a alors un véritable danger pour sa propre évolution et à l’inverse, interdire IA n’est pas la solution car l’étudiant l’utilisera sûrement mais ne saura pas comment travailler avec. Il faut donc établir des règles éthiques et les expliquer.
  • 3e entretien : André Manoukian et Philippe Guillaud, à propos de leur logiciel MatchTunes
  • La capacité créative des IA est puissante. L’espace-temps singulier d’Internet a permis une multitude de nouveaux styles musicaux car, peu importe d’où on vient, on peut apprendre des techniques et s’enrichir culturellement.
  • L’IA permet de mixer les univers et une expérimentation ouverte : MatchTunes est au service de « l’excellence » car il s’axe sur la qualité et non la quantité, à l’inverse d’une IA comme Midjourney où 5-6 images sont proposées.
  • L’IA peut désencombrer les humains de tâches contraignantes et servir la création.

Selon Etienne Mineur et Julien Barbier, les IA ne sont que des outils qui ne pourront pas remplacer les compétences humaines que certains métiers exigent. Il est nécessaire d’établir des règles d’utilisation des IA en milieu scolaire pour permettre une connaissance fine de ces derniers, et éviter un usage non réfléchi. Savoir utiliser les IA, c’est pouvoir travailler avec, les corriger, contourner leurs limites (censure) en faisant appel à des capacités rédactionnelles. L’étudiant développe des compétences analytiques et descriptives lorsqu’il rédige un prompt. Plus la demande sera fine et descriptive, plus l’IA sera apte à générer des réponses originales. Par exemple, au lieu de demander « un chat dans le style de Dali » au bot, une formulation plus travaillée (où l’étudiant fait appel à ses connaissances sur le style d’un artiste en les décrivant dans le prompt) pourrait permettre un usage plus conscientisé.


Dominique Boullier, « Sciences Po a eu raison d’interdire ChatGPT », AOC, 7 février 2023

  • La notion de « passage à l’acte » est convoquée plusieurs fois pour parler de l’immiscion des IA dans les différentes sphères de notre société sans discussion préalable (outil anti-démocratique ?)
  • Les termes de « rough consensus » et de « running code » sont utilisés par John Perry Barlow dans sa « Déclaration d’indépendance du cyberespace » en 1996 dans laquelle il défend l’idée de ne pas transposer à ce nouvel espace immatériel les règles et normes de nos sociétés.
  • « Capitalisme financier numérique » : il faut inclure les innovations techniques dans les sujets de discussions car elles sont liées aux questions de droit et de politique.
  • OpenAI adopte la « stratégie du choc », expression reprise du titre de l’ouvrage éponyme de 2007 de Naomi Klein, et qui renvoie à la puissance qu’à l’ultralibéralisme de forcer les prises de pouvoir.
  • La « tyrannie du retard » créée des systèmes oppressifs entre différents pays : ceux qui adoptent en dernier, ou jamais, les innovations techniques, sont mis de côté.
  • Le texte établit une analogie du « passage à l’acte » avec d’autres techniques qui, comme le TGV (qui passerait derrière chez nous), l’usine chimique (et ses odeurs nocives) ou les éoliennes, se répandent sans débats ni accord préalable auprès des populations (ce qui soulève des problèmes moraux et politiques).
  • Dès lors qu’une technique altère notre mental, il faut se questionner sur son « habitèle », ou comment la rendre habitable.
  • Des dispositifs de validation et de contrôle sont indispensables pour utiliser l’IA en contexte scolaire.

Dominique Boullier soutient l’interdiction de ChatGPT à Sciences Po Paris, en examinant ses conséquences éthiques et politiques. Il traite du danger du « passage à l’acte » des entreprises néo-libérales, qui figent le débat sur la légitimité de l’usage et de l’intégration de ces techniques dans nos sociétés. Pour défendre son propos, il montre l’intérêt à ne pas séparer le droit et la politique des innovations techniques afin d’éviter une acceptation passive des IA. Selon lui, il est primordial de trouver des alternatives ouvertes et plus contrôlables, et d’animer des débats pour mieux cadrer l’intégration de ces IA en contexte scolaire et éveiller les consciences.


Colin de la Higuera, « L’intelligence artificielle au quotidien : quelle position pour l’enseignant.e ? », Chaire UNESCO RELIA, 6 février 2023

  • Nous n’avons pas encore assez de recul sur les IA dans l’enseignement même si ce n’est pas une question nouvelle (Google Translate).
  • Un projet européen, l’AI4T, a été lancé pour former les enseignants de 5 pays européens (dont la France) à l’IA.
  • Il est important d’analyser les logiciels non éducatifs intégrant l’IA, qui peuvent être utilisés pour de l’apprentissage. Exemple de BLOOM, conçu par plusieurs pays, décrit comme une solution réellement ouverte et conçue contre GPT-3.
  • Il ne faut pas rejeter ChatGPT mais bien trouver les contournements pour le piéger, même s’il se développe constamment. Cela demandera de suivre ces évolutions.
  • La triche avec les machines n’est pas nouvelle : les calculatrices ou Wikipedia nous le prouvent mais ils ont aussi montré qu’ils étaient avant tout des outils pratiques.
  • ChatGPT sera inévitablement utilisé pour aider à faire le travail, comme par exemple pour réaliser des QCM ou des plans de cours, mais cela ne peut être considéré comme de la triche. La question est plus complexe lorsque ChatGPT est utilisé pour réussir un examen.
  • On assiste à deux débats. Le premier porte sur la nécessité de former l’élève au futur en lui enseignant les nouveaux outils. Le système scolaire doit s’adapter à ces évolutions et ne pas rester dans des systèmes académiques dépassés, qui ne sont plus adaptés aux contextes actuels. Le second débat interroge l’évaluation sommative et ses modes de notation, qui seraient à repenser avec l’émergence des IA. Ces deux débats réunis s’annulent car « “former à utiliser l’IA” devient “former des futurs tricheurs et tricheuses” » et, inversement, « “interdire l’usage de ces technologies” conduit à ne pas former au monde de demain ».

Le corps enseignant ne doit pas rejeter les IA mais plutôt les essayer et débattre avec les élèves sur les réponses générées. Pour intégrer au mieux ces technologies dans le milieu scolaire, il faudrait d’abord se questionner sur ce qui est de l’ordre de la tricherie ou non : « Vis-à-vis du système mis alors en défaut ? Vis-à-vis des autres élèves, car il n’y aurait pas une égalité ? Vis-à-vis de l’élève qui n’est pas en train d’apprendre tout en obtenant des résultats trompeurs ? ». Une fois ces questionnements éclaircis, l’IA dans l’enseignement pourrait aider l’étudiant, par exemple, à reformuler, à développer un sens critique, à lutter contre le syndrôme de la page blanche, et permettre de contrôler la véracité des informations.


Janvier 2023


Chris Ré, « AI’s Linux Moment: An Open-Source AI Model Love Note », Hazy research, 30 janvier 2023

  • L’IA vit son moment Linux : débuts de l’IA open source.
  • L’open source a joué un rôle majeur dans l’informatique (cf. Whole Earth Catalog) : il a été initié par des communautés soucieuses d’améliorer le monde par des logiciels libres (Linux).
  • Repenser ce mouvement avec la démocratisation des IA : elles ont connu une forte renommée et évolution grâce à des communautés de gens passionnés qui ont conçu des IA en accès libre (via Discord, GitHub, etc.).
  • De nombreux exemples d’amélioration par la communauté : PuTorch (Meta), Keras (Google), Transformers (Hugging Face), etc.
  • On observe un fort enthousiasme chez les individus car les IA sont applicables au quotidien, accessibles, et permettent de créer des applications à partir de ces modèles.
  • Les entreprises pourront développer leurs propres outils grâce à la démocratisation de ces logiciels et partir de leurs propres données pour les adapter à chaque structure.

L’article soutient l’idée d’une évolution de l’IA, par l’open source et la communauté pour démocratiser les connaissances sur cette technologie. Avec l’open source, les connaissances sont diffusées, partagées, et permettraient aux entreprises de développer leurs propres IA, adaptées à leurs besoins.


Gleinn Kleiman, « Teaching Students to Write with AI : The SPACE Framework », Medium, 5 janvier 2023

  • L’article propose plusieurs étapes et instructions à suivre pour assurer une utilisation pertinente des IA pour le corps étudiant via l’acronyme « SPACE: a framework for writing with AI tools » :
  • Set directions qui définit le but, le contenu et la cible du texte écrit pour ajuster la place de l’IA dans le texte, c’est à-dire, lui donner un rôle plus ou moins important dans la rédaction. Par exemple, l’IA complète ou corrige les fautes mais l’humain rédige la majeure partie du texte.
  • Prompt, qui assigne à l’IA une tâche spécifique dans le texte, au lieu de le laisser tout rédiger.
  • Assess, qui évalue les résultats de l’IA pour les ajuster : exactitude, exhaustivité, partialité, etc.
  • Curate, pour conserver le texte généré par l’IA et ensuite sélectionner et organiser des extraits de textes d’IA ou d’humains pour rendre cohérent l’ensemble. L’intérêt est de travailler avec différentes versions de textes pour varier les propositions et choisir parmi plusieurs possibilités.
  • Edit, qui édite des contributions humaines et non humaines pour produire un texte bien organisé et formulé.
  • L’IA demande de nouvelles compétences à acquérir pour le corps étudiant, d’où la nécessité de le guider pour éviter des utilisations inefficaces.
  • Il est important de décrire les étapes du processus d’écriture pour permettre à l’étudiant un recul critique.
  • Quelques exemples montrent de quelles manières les humains peuvent être impliqués dans les étapes de la méthode SPACE : par exemple le texte « A robot wrote this entire article. Are you scared yet, human? », paru dans The Guardian en septembre 2020. Cet article a été composé à partir de huit textes générés par GPT-3. Les parties les plus intéressantes ont été conservées afin de proposer un texte avec une variété de styles. Par la suite, l’équipe a fait un travail de recomposition du texte en coupant des phrases et des paragraphes.
  • Il est essentiel de limiter l’usage des IA de génération de textes pour éviter au maximum des textes pauvres et indésirables. Les étudiants doivent apprendre à reconnaître et à résoudre les erreurs de textes pour appliquer au mieux les étapes SPACE. Quelques exemples de limites de l’IA
  • L’émotion et l’IA : il ne faut pas oublier que l’IA n’a pas conscience de la profondeur d’un texte, des tournures de phrases, du contexte, du sens, des intentions portées par un texte. Le texte peut vite devenir insipide. L’impact émotionnel du texte sur les humains ne doit pas être négligé
  • Les systèmes discriminatoires : IA peut générer du texte stéréotypé voire discriminatoire.
  • La temporalité et véracité : l’IA met du temps à produire du texte sur des phénomènes récents car il n’y a pas encore assez d’éléments lui permettant d’analyser l’événement. Cela peut amener à des textes incomplets, dépassés et hors sujet, ou à l’invention de références par l’IA.
  • L’éducation et les IA ont deux approches opposées : « Embrace AI Tools » et « Resist AI Tools » (interdisant strictement l’utilisation des IA à l’école). L’approche « Embrace AI Tools » reconnaît les forces et limites des IA, qui peuvent aider par exemple à corriger les erreurs d’écriture des élèves. Il faut faire une utilisation limitée, justifiée et équilibrée des IA (traduction, suggestion de phrases). Faut-il n’autoriser l’IA que dans l’enseignement supérieur ?
  • « Je ne sais pas ce que je pense jusqu’à ce que je l’écrive » (Joan Didion) et « J’écris car je ne sais pas ce que je pense jusqu’à ce que je lise ce que j’ai dit » (Flannery O’Connor).
  • La question centrale est de savoir ce qu’est l’expertise à l’ère de l’IA, et comment préparer au mieux les étudiants à utiliser ces technologies pour enrichir leurs vies.

Gleinn Kleimann propose de guider les étudiants sur l’utilisation des IA, avec un principe qu’il nomme « SPACE », dont chaque lettre est associée à une étape à suivre : Set directions, Prompt, Assess, Curate et Edit. L’idée est d’apprendre à travailler en collaboration avec ces IA pour les intégrer dans les processus de rédaction, sans pour autant leur laisser une place prédominante. Il est essentiel de rappeler l’absence d’émotion des IA, dont les textes générés peuvent impacter les individus. De plus, la temporalité des sources utilisées par ces technologies questionne la véracité et l’actualité des informations produites.


Décembre 2022


Fabian Suchanek, Gaël Varoquaux, « Beau parleur comme une IA », The Conversation, 26 décembre 2022

  • L’IA semble avoir du mal à comprendre le positionnement des mots dans les phrases et le sens attribué. Elle ne comprennent pas le sens et la fonction de chaque mot, et l’importance de leur positionnement dans la phrase. L’IA fait preuve de pur mimétisme de textes rédigés par des humains.
  • Les « transformeurs » (paradigme à la base du deep learning présenté en 2017 dans l’article « Attention is All You Need », utilisé majoritairement dans le traitement du langage naturel) ne permettent qu’une compréhension de la demande dans l’ordre d’écriture, et ne distinguent pas les séquences paires et impaires. Exemple : « La lumière est éteinte. J’appuie sur l’interrupteur d’éclairage. Je mange une pizza. J’appuie sur l’interrupteur d’éclairage. La lumière est-elle allumée ? ».
  • Les modèles de langage ont des problèmes avec la négation et les raisonnements complexes car ils ne sont pas faits pour mémoriser et comprendre des données massives. Par exemple, à l’énigme de l’examen national des fonctionnaires chinois : « David connaît l’ami de M. Zhang, Jack, et Jack connaît l’amie de David, Mme Lin. Tous ceux qui connaissent Jack ont une maîtrise, et tous ceux qui connaissent Mme Lin sont de Shanghai. Qui est de Shanghai et a une maîtrise ? », seulement 45% des IA répondent juste alors que les humains répondent juste à 96%.
  • L’IA ne sait pas si elle est « juste » ou non, donc des réponses fausses et/ou inventées sont générées. Celles-ci prennent de « belles » formes textuelles et une apparence de vraisemblance, ce qui peut poser problème pour des individus qui accordent, dès lors, une confiance aveugle à l’IA.
  • Attention, il ne faut pas penser que ces modèles de langage sont incompétents : ils ne sont pas à l’heure actuelle assez performants pour faire des raisonnements et conserver des données fiables.
  • Les « représentations symboliques » restent le modèle utilisé par les IA actuelles, Elle fonctionnent en stockant les données comme des ensembles d’entités et font des relations entre elles. Pour assurer la véracité des relations établies, des règles et des contraintes sont appliquées.
  • Les modèles de langages sont un moyen pour construire ces «représentations symboliques», en construisant des bases de connaissance par l’analyse d’articles.
  • Les « modèles de langage », qui analysent et génèrent des textes en langage naturel sont donc hybridés avec les «représentations symboliques», qui assurent le stockage d’éléments et qui peuvent raisonner sur ces derniers.
  • Pour mieux comprendre ce fonctionnement, l’article fait une analogie avec le cerveau humain qui peut autant raisonner intuitivement et rapidement (lecture, additions simples) que réfléchir sur des points abstraits et complexes (mémoriser des numéros, comparer, etc.).

L’article analyse les forces et faiblesses de la compréhension des IA dans la structuration des phrases. D’une part, les IA ont encore du mal à comprendre l’ordre logique et le sens des mots et ne peuvent donc pas raisonner sur des textes trop complexes et utilisant beaucoup de négations. Or, d’un autre côté, ces IA se montrent très performantes dans le stockage de bases de connaissances et dans l’analyse de textes plus ou moins simples.


Mathilde Fontez « L’intelligence artificielle multiplie les exploits », franceinfo, 18 décembre 2022

  • IA, AlphaCode, capable de créer des programmes informatiques. Elle a été développée par Alphabet, dont Google s’avère être une filiale.
  • Il y a une pénurie mondiale des programmeurs : ce genre d’IA pourrait donc s’avérer utile car elles peuvent manipuler les langages de programmations de manière quasi humaine.
  • AlphaCode a été entraîné avec une multitude de lignes de code et a appris de multiples langages.
  • Si l’IA peut coder, alors les IA pourront-elles se modifier toutes seules ? Elles pourront éventuellement corriger des erreurs dans leur code mais cela reste encore fictionnel. Il faut néanmoins dès à présent, établir des garde-fous et des règles pour éviter qu’elles n’échappent à l’Homme.

L’article présente AlphaCode, une IA génératrice de programmes, remettant donc en question les limites de cette technologie. Dès lors qu’une IA peut se programmer toute seule, elle pourrait donc échapper à la main de l’Homme. Ce scénario, qui reste encore fictionnel, doit cependant alerter et faire comprendre l’importance d’instaurer des garde-fous et règles.


Stephen Marche, « The College Essay Is Dead », The Atlantic, 6 décembre 2022

  • Les « méthodes d’apprentissages » : exemple d’un essai écrit par un IA en mai 2022 et commenté par Mike Sharples, professeur au Royaume-Uni. Le but de Sharples était d’alerter les enseignants sur la nécessité de « repenser l’enseignement et l’évaluation » à l’ère de ces technologies.
  • Des étudiants s’aident de l’IA pour améliorer des compétences qu’ils ont du mal à faire progresser, comme la qualité rédactionnelle, car ChatGPT n’est pas « quelqu’un » mais un programme. Certains élèves considèrent donc que demander de l’aide à un IA n’a pas les mêmes conséquences que d’être aidé par un humain.
  • L’essai est historiquement le moyen d’enseigner aux élèves « comment rechercher, penser et écrire ». Or les IA se montrent meilleures que la plupart des élèves.
  • Publié en 1950, l’essai The Two Cultures rédigé par C. P. Snow traite de la perte de lien entre les humanités et les sciences. Les deux domaines font preuve d’incompréhensions mutuelles et de visions erronées. Dans un monde animé par les innovations technologiques, l’éducation aux humanités se perd.
  • Les médias sociaux jouent un rôle capital dans l’accentuation de l’ignorance des questions de société et d’histoire. Exemples de Mark Zuckerberg (ancien lecteur de César) ou d’Elon Musk (ingénieur talentueux) qui font pourtant preuve de bassesse d’esprit sur les médias sociaux.
  • L’échec provient d’un « esprit délibéré » et non mesquin ou avide. Les ingénieurs devraient considérer les questions humanistes dans leurs projets (comme « l’herméneutique, la contingence, la liberté d’expression ou la généalogie des morales ») qui sont étroitement liées aux IA. Il ne faut pas penser aux problèmes complexes comme s’ils étaient compréhensibles pour tout le monde.
  • Les humanistes ont intégré dans leurs réflexions les innovations technologiques, à l’inverse des ingénieurs. Or la compréhension des technologies est généralement relative par les humanistes en raison d’un manque d’actualisation de leurs approches. Il ne faut plus penser avec le paradigme de la « méta-narration », principe introduit en 1979 par le philosophe Jean-François Lyotard pour parler des récits expliquant la légitimité des systèmes institutionnels (savoir-vivre, justice, dialectique, etc.).
  • Il y a une importance des humanistes à expliquer l’importance de la langue (style, ton, éloquence, histoire, systèmes éthiques, etc.) dans un monde centré sur la technologie, et ce face à une baisse de diplômés en sciences humaines. « Plus la compréhension de l’expérience humaine est large, meilleure sera la conception » disait Steve Jobs à l’époque où il a abandonné ses études pour découvrir les arts (danse, calligraphie, théâtre).
  • Il y a autant d’étudiants inscrits en informatique que dans toutes les sciences humaines réunies. Avec GPT-3, le traitement du langage naturel est questionné. La base de l’évaluation des étudiants étant la dissertation (examens, thèse, doctorat, etc.), quels impacts les IA vont-elles avoir sur les modes d’apprentissages et d’évaluation ? Il faudra attendre 10 ans avant que ces IA soient réellement ancrés dans monde universitaire : « Deux ans pour que les étudiants comprennent la technologie, trois autres années pour que les professeurs reconnaissent que les étudiants utilisent la technologie, et enfin cinq ans pour que les administrateurs universitaires décident, le cas échéant, de ce qu’il faut faire à ce sujet. »
  • Les ingénieurs et humanistes vont se rencontrer avec IA car les informaticiens ont besoin d’avoir des bases sur le langage, la sociologie et l’éthique.

La baisse d’étudiants inscrits en sciences humaines (et leur augmentation en informatique) questionne la place des humanités. Le dialogue entre les humanités et les sciences est essentiel pour réfléchir de manière transdisciplinaire aux conséquences éthiques et morales des IA de traitement du langage naturel dans l’enseignement.


Décembre 2021


Meredith Whittaker, « The Steep Cost of Capture », SSRN, Novembre-Décembre 2021

  • Critique des entreprises privées qui se faufilent dans nos vies et institutions et qui façonnent insidieusement l’accès aux informations.
  • Critique des entreprises privées qui se faufilent dans nos vies et institutions et qui façonnent insidieusement l’accès aux informations.
  • Essor des IA depuis une dizaine d’années possibles par la concentration des données dans des entreprises privées : IA sont dépendantes de systèmes commerciaux.
  • Ces entreprises dirigent ce que nous devons savoir et ne pas savoir sur les IA et sur comment nous pouvons interagir avec.
  • Elle fait un lien sur le rapport des sciences avec le militaire, notamment pendant la Guerre Froide, avec l’influence de l’industrie technologique sur les IA. Elle rappelle aussi que l’armée américaine a grandement participé à contrôler la diffusion des connaissances et à punir les dissidents.
  • Industrie technologique actuelle est sous pression, à cause de réglementations, figeant les alternatives et aseptisant les débats donc il y a privation pour les communautés de premières lignes, les politiques de s’exprimer sur les coûts et les conséquences des IA et de dénoncer les responsables.
  • Question de comment et pourquoi l’IA s’est-elle développée depuis 70 ans malgré plusieurs “hiver de l’IA” et pourquoi elle a pris de l’ampleur ces dernières décennies ?
  • Mutabilité du terme d’IA évidente face à ces questions et problématiques sur la centralité de la concentration de l’information.
  • AlexNet, algorithme créé à Toronto en 2012, qui a gagné le grand défi de reconnaître visuellement une multitude d’images sur Internet. Événement marquant, montrant la force des d’algorithmes supervisés mais aussi ce que peut faire l’IA avec des données informatique à grande échelle. AlexNet a donc ouvert la voie aux IA que nous connaissons actuellement, enrendant compte de la puissance et de leurs adaptations dans de nombreux domaines possibles.
  • Les recherches sur les IA ne sont pas toujours du ressort des chercheurs individuels car, elles dépendent de financements qui sont du côté des entreprises IA.
  • Modèle de fondation : terme inventé par Stanford pour le lancement du CRFM (Center for Research on Foundation Models) pour parler des IA entraînées sur de gros volume de données et qui peuvent être adaptées à plusieurs tâches. Ces modèles sont parmi les plus riches en termes de données et d’informations dans le domaine l’IA et donc les plus favorisés par les entreprises. (GPT-4, DALL.E etc.).
  • S’appuyer sur le monde universitaire et sa diversité de domaines pour élargir l’accès à la recherche sur l’IA.
  • Dès lors que les entreprises font parties des infrastructures de recherches et appellent à encadrer les recherches sur l’IA, alors il y a une extension de leur pouvoir et domination car elles ont la mainmise sur ces recherches.
  • Danger de laisser les entreprises et centre de recherches définir les conditions d’utilisation, leurs paramètres d’équité.
  • Question des limites des ressources informatiques en milieu universitaire qui empêchent de travailler avec de puissants outils informatiques. Ainsi, des écoles décident de s’allier avec des entreprises, malgré toutes les conditions tacites qui vont avec.
  • Liberté académique de dénoncer et demander des comptes aux grandes entreprises paraît presque impossible : les entreprises peuvent mettre tout en place pour renvoyer des individus et discréditer l’institution. La critique est donc neutralisée pour éviter les `opinions dissidentes allant à l’encontre, accentuant le pouvoir et la domination de ces entreprises. (cf. « Timnit Gebru Is Calling Attention to the Pitfalls of AI »

Ce texte accuse les géants de la tech des IA de neutraliser les critiques en dénigrant les approches dissidentes et en finançant les critiques les plus faibles. La mainmise par ces entreprises sur les IA rend donc les contestations et les modifications de ces systèmes plus compliquées.


Mars 2021


Emily M.Bender, Timnit Gebru, Angelina McMillan-Major, Shmargaret Shmitchell, « On the Dangers of Stochastic Parrots: Can Language Models Be Too Big ? », ACM Digital Library home, 1er mars 2021

  • Article co-écrit par des chercheur.euses employés chez Google, mais considéré comme gênant par l’entreprise, il a été demandé d’enlever les noms des personnes ou de supprimer l’article. Opposée à cette demande, Timnit Gebru, une des chercheuses, a été renvoyée de Google.
  • Il y a un développement fort des modèles des LM (Language Model) depuis les années 2018 et des concurrences aussi pour produire de plus en plus de puissants modèles. Le concept de LM remonte aux débuts de l’informatique : les premiers succès étaient la reconnaissance automatique de la parole (ASR) et la traduction automatique (MT) début des années 1980. La puissance de calculs évoluant au fil du temps a amené aux transformeurs (2017), que nous avons maintenant, qui permettent de mieux contextualiser les séquences d’entrée. Les LM actuels peuvent s’appliquer dans plusieurs domaines, s’adapter et contenir des millions de paramètres.
  • Dans l’article, les chercheurs.euses se demandent si on a suffisamment réfléchi aux risques potentiels de ces modèles ?
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  • Premier risque évoqué : celui écologique. Coûts et travaux liés à ces technologies à établir au préalable pour mieux préparer leur installation et minimiser les impacts. L’augmentation des impacts environnementaux et des coûts financiers accentue la fracture numérique et les discriminations f : les territoires marginalisés seront ceux qui seront le plus impactés par ces technologies. Il y a aussi un problème de marginalisation linguistique par l’usage de l’anglais quasi-systématiquef, qui accentue cette fracture. Il est moins chers et plus « facile » de faire appel à des pays en sous-développement pour la main d’œuvre, l’installation des serveurs de ces IA etc. (Cf. Antonio Casillif, « Malaise dans l’éthique de l’IA. Conflictualités sociales et environnementales autour de l’automation intelligente », conférence à l’université de Genève en compagnie de Nicolas Nova et de Claire Balleys, 19 avril 2023, visible dans cet état de l’art). De plus, une étude de l’Université du Massachusetts a déterminé qu’un grand modèle d’AI émettra près de cinq fois les émissions à vie d’une voiture américaine classique.
  •  
  • Autre risque étudié : financier. Il y aura une augmentation de 0,1% du score BLEU (mesure utilisées pour évaluer la traduction automatique)  qui coûtera environ 150 000$ en puissance de calcul.
  •  
  • Utiliser les énergies renouvelables pourraient atténuer ces impacts mais leur utilisation est limitée et leurs coûts environnementaux sont néanmoins existants.
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  • Un potentiel problème supplémentaire est celui de l’incapacité à ne pas gérer les données d’entraînement . Les points de vue hégémoniques sont les plus présents dans ces algorithmes car ce sont ceux qui ont le plus accès au numérique. Par exemple, 67% des utilisateurs de Reddit sont des hommes américain et qui ont entre 18 et 29 ans et sur Wikipédia, les éditeurs ne sont que 8,8 à 15% à être des femmes.
  •  
  • Aussi, l’exclusion de contenus dits indésriables (pornographie, violents etc) est à la fois une bonne chose mais exclus des discussions où l’on parle positivement de ces sujets. Par exemple, des espaces en ligne LGBTQ où l’on parle positivement d’expériences vécues vont donc être masqués. Une fois de plus les identités marginalisées positives sont écartées et les points de vue hégémonique surreprésentés. Le défi est donc de créer des falgorithmes plus flexibles et dont les systèmes de modération et de contrôle intègrent plus de diversité.
  • Or, une question se pose : se pourrait-il que ces technologies ne soient tout simplement pas à la hauteur d’un déploiement global et unique ? Une plus grande contribution locale,  en contextualisant et définissant mieux les données à récolter et à traiter, serviraient à rendre plus inclusives ce système. Les sources seraient donc plus vérifiables et les atténuations potentielles plus faciles à développer.
  •  
  • Théorie linguistique moderne reposant sur «  l’activité conjointe  », terme énoncé par Herbert H.Clark, qui signifie que nous parlons des activités communes avec les autres, au lieu de  décrire les actes de parole. Le langage n’est que secondaire : il n’est qu’un moyen d’atteindre une fin. Les interlocuteurs travaillent ensemble pour arriver à une compréhension commune. Le langage n’est qu’un indice parmi tant d’autres, communiquant l’intention. Comparons cela avec les LM, système pour assembler au hasard des formes linguistiques à partir de vastes données, sans aucun contexte. C’est là où l’expression « perroquet stochastique » intervient : un perroquet répète ce qu’il entend sans en comprendre le sens. Les LM créent simplement un modèle auquel l’humain applique une signification. C’est cela qui induit tous les problèmes discriminatoires, de désinformation etc.
  •  
  • Comment atténuer ces dommages ? Tout d’abord, une meilleure planification et évaluation de ces modèles, comprenant le calcul de l’efficacité énergétique et de calcul et une meilleure sélection des données à traiter seraient nécessaires. Tout cela doit être aussi documenté : utilisateurs potentiels, motivations derrières ces IA, analyses « pré-mortem » (envisager les pires scénarios pour anticiper les risques)… Le développement de langages à faibles ressources est une piste intéressante  : moins coûteux, plus spécialisés, ces LM ont de nombreux avantages.

Cet article rédigé par quatre chercheur·euses de Google, Emily Bender, Timnit Gebru, Angelina McMillan-Major et Margaret Mitchell, traite des différents problèmes liés au développement des LM (model language). Licencié.es à la suite de cet article par Google, iels alertent sur les enjeux écologiques, éthiques, linguistiques et discriminatoires que ces algorithmes engendrent. Elles utilisent l’expression de « perroquet stochastique » pour parler de ces technologies illusoires : elles se contentent de répéter sans saisir la sémantique de leurs propos. Une meilleure planification et évaluation en définissant les enjeux, les cibles et les données à sélectionner est nécessaire.

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Filtrer un <abbr>CV</abbr> scientifique ? https://www.anthonymasure.com/blog/2021-01-27-filtrer-cv-scientifique https://www.anthonymasure.com/blog/2021-01-27-filtrer-cv-scientifique Wed, 27 Jan 2021 00:00:00 +0000 Cette réflexion prend comme source un tweet mettant en évidence des biais de recrutement dans l’enseignement supérieur en France :

@TiphaineAnna, tweet du 25 janvier 2021.

Ce tweet m’a interpellé car il serait théoriquement possible de concevoir une plateforme permettant de comparer différents CV à une même période, à un même niveau d’études, etc., et donc d’objectiver des contre-arguments à des exigences de recrutement infondées voire nuisibles – et qui entretiennent un « capitalisme de la recherche » dont l’usage d’un vocabulaire néomanagérial n’est qu’un des aspects. Il est ainsi étrange de reprocher à un·e candidat·e à un poste de recherche un manque concernant tel ou tel point de son CV alors que peu de membres de la commission remplissaient ces critères au même stade de leur carrière, voire même au moment où ils·elles sont en position de jury. Mais le CV scientifique crystallise bien d’autres problèmes et enjeux détaillés ci-dessous.

Le CV scientifique : une question de design de document

  • Il n’existe pas une seule norme de présentation (libellé des rubriques), car celles-ci sont variables suivant les pays, institutions, jurys et bailleurs de fonds. Me concernant, j’ai adopté en janvier 2021 celles du FNS suisse car c’est dans ce pays que je travaille, mais reformater entièrement mon CV pour un autre contexte serait fastidieux.
  • Certains organismes vont demander un CV au format PDF, d’autres une version en ligne et/ou à poster dans un formulaire, d’autres vont ajouter à cela une limite de pages, d’items ou de plage temporelle (le FNS, par exemple, impose de ne lister que les résultats des cinq dernières années pour ne pas défavoriser les « jeunes » candidat·e·s, mais demande une version en ligne « complète »).
  • Suivant les organismes et types de public, certains types d’activités ne vont pas être reconnues comme légitimes à figurer dans un CV, alors qu’elles peuvent avoir une grande importance, non seulement pour les chercheur·euses concerné·e·s, mais aussi pour un public élargi. Dans le champ qui me concerne, celui de la recherche en design, il reste ainsi compliqué de faire valoir des démarches de « recherche-création », encore mal comprises d’autres champs scientifiques. Doit-on pour autant les enlever des CV au profit des « traditionnels » articles, ouvrages et conférences ?
  • Pour rester sur ce thème, de nombreux bailleurs de fonds (dont le FNS) valorisent les publications en peer review (évaluation par les pairs). Bien que controversé, le peer review est sensé garantir une plus grande fiabilité que d’autres systèmes de sélection. Mais comment appliquer une telle pratique d’évaluation à des productions telles qu’un concert, une exposition, un prototype d’objet, etc. ? Que se passerait-il si l’on ne conservait que les items peer reviewed d’un·e chercheur·euse en design ?
  • Les CV scientifiques sont souvent mobilisés pour produire des indicateurs de performances basés sur le nombre d’items de telle ou telle catégorie. Cette vision quantitative de la recherche tend heureusement à perdre de l’importance au profit d’approches qualitatives comme le protocole DORA (San Francisco Declaration on Research Assessment, 2012), qui propose de mettre en avant une sélection de travaux.
  • Côté consultation, il est long et fastidieux de lire des CV scientifiques. Ces derniers, de par leur volonté d’exhaustivité, s’étalent sur plusieurs pages, sont souvent mal hiérarchisés visuellement, sont très peu souvent disponibles en ligne autrement que sous forme de PDF (mal indexés et peu « accessibles »), etc. Comment pourrait-on améliorer leur lisibilité ?
Exemple de CV demandé par l’université Paris 8 pour un jury, à remplir au format propriétaire Microsoft Word, janvier 2021.

Vers des CV de recherche sémantiques et interactifs

L’approche du « design de document », qui associe sémantique et esthétique, pourrait permettre de lever un certain nombre d’obstacles. En partant d’une liste d’items bien stucturée sémantiquement (dans le code), il est ainsi possibler de la trier et de la réorganiser dynamiquement.

J’ai essayé d’appliquer cela à mon propre site, grâce à l’aide technique du designer Julien Taquet, pour mettre en place un système de filtres par dates. Deux champs dates HTML (inputs) permettent ainsi de n’afficher que les items d’une plage temporelle donnée (année civile, académique, etc.), accompagnée d’un compteur d’éléments pour chaque sous-catégorie. L’adresse Web (URL) étant dynamiquement actualisée, cela permet de facilement partager des « vues » de mon CV, par exemple quand j’ai postulé en thèse ou en poste de Maître de conférences (MCF). L’URL https://www.anthonymasure.com/cv#2019-09-01_2020-08-31 renvoie ainsi à l’année académique 2019-2020 (pratique pour les bilans de fin d’année !).

AnthonyMasure.com, janvier 2021, exemple de CV « filtré » sur l’année académique 2019-2020.

Quelles suites ?

Ce système pourrait être amélioré de plusieurs façons :
– Placer les sélecteurs de dates dans la colonne de gauche, en position fixe (fixed), pour qu’ils soient toujours accessibles.
– Ajouter d’autres types de filtres pour afficher / masquer les items suivant d’autres critères que les dates, par exemple ne garder que les items peer review, etc. Cela aurait l’avantage de rendre visible les conséquences des choix et normes qui régissent l’évaluation de la recherche. Au lieu de faire disparaître les items, ils pourraient par exemple apparaître en gris, être barrés, etc.
– Rendre le CV imprimable, après filtrage, avec un export PDF dynamique (via Paged.js). On pourrait également configurer le fichier avant export (exemple : changer la police, supprimer un item spécifique, etc.). Cela permettrait de pouvoir paramétrer le document pour répondre à diverses exigences.

MAJ : Marcello Vitali-Rosati me signale sur Twitter l’existence d’une initiative canadienne d’un CV sémantique de recherche en XML, mais cette dernière n’a malheureusement pas donné satisfaction…

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*Making of* du site Web AnthonyMasure, <span class="small-caps">2012-2021</span> https://www.anthonymasure.com/blog/2021-01-12-website-redesign https://www.anthonymasure.com/blog/2021-01-12-website-redesign Tue, 12 Jan 2021 00:00:00 +0000 Rapide historique

La première mise en ligne de mes travaux (archivée ici) date de septembre 2005, soit donc quelques mois après l’obtention de mon DSAA (M1) Mode et environnement à l’école de design Duperré à Paris. Réalisé sans CMS (en HTML/CSS), ce site mettait en commun mes projets et ceux de la designer Lucille Saliou afin de préfigurer un projet entrepreneurial de design de bijoux fantaisie (Molusk), qui m’a occupé jusqu’à 2012.

Souhaitant centrer mes activités sur la recherche, étant alors inscrit en thèse depuis 4 ans, j’ai mis en place en 2012 un premier site Web « vraiment » personnel, sous la forme d’un carnet de références (sous WordPress) liées à ma thèse (archivé ici), et d’un portfolio de projets, d’articles, de conférences et de cours, regroupés sous le nom de domaine anthonymasure.com à partir de 2012.

AnthonyMasure.com, 2012–2015, version enregistrée par Archive.org. Polices : Filosofia (Emigre), Georgia

L’objectif principal de ce site était (et est toujours) de créer une archive de tous mes travaux afin de les faire connaître et de maîtriser leur stockage et référencement – sachant que la plupart d’entre eux sont placés sous licence libre. En effet, un article PDF, par exemple, est mal indexé par les moteurs de recherche et n’est pas « accessible » (mise en page fixe, difficile à lire sur téléphone, etc.), contrairement à des fichiers « balisés » en langage Web HTML, c’est-à-dire directement lisibles dans le navigateur. Outre une autonomie de gestion et une pérennité des contenus, un site Web de recherche personnel permet en outre de publier des documents que les archives scientifiques (HAL-SHS, etc.) ne prennent pas en compte pour des questions de format ou de légitimité, tels que des projets de design ou des fichiers audio (ITW radio, etc.).

Passage à Kirby CMS

Fin 2015, je passais mon site personnel de WordPress à Kirby CMS. En effet, WordPress était devenu trop compliqué à utiliser, et surtout trop lourd à maintenir : obligation d’utiliser une base de données SQL, code source dispersé entre les templates (gabarits), plugins (modules complémentaires) et contenus, failles de sécurité, etc. Par contraste, Kirby offre une simplicité de conception bienvenue. Si, comme WordPress, Kirby propose un panel d’administration (un back office), son architecture technique est toutefois radicalement différente car il n’utilise pas de base de données SQL mais un système de dossiers et de fichiers .txt rédigés en langage Markdown, très simple à prendre en main. De plus, l’utilisation du panel d’administration est facultative : on peut tout à fait s’en passer (c’est d’ailleurs mon cas) pour n’utiliser que des fichiers textes chargés manuellement via FTP.

Structure du CMS Kirby, à base de dossiers et de fichiers texte

Visuellement, mon site Web se présentait de façon basique, sur le modèle de celui dédié à ma thèse de doctorat (2014), avec un menu dépliable dans la colonne de gauche et le contenu principal dans le reste de la page.

AnthonyMasure.com, 2012–2016, version enregistrée par Archive.org). Police : Skolar Sans (Rosetta Type).

Vers un portfolio de recherche

Peu satisfait, toutefois, de l’interface, je confiais en février 2016 à la designer graphique Marine Illiet le redesign (interface et réalisation) de mon site Web – via un cahier des charges détaillé – afin de lui donner une vraie identité visuelle, mais aussi de permettre une mise en réseau des différents types de documents.

AnthonyMasure.com, 2016–2020, version archivée par Archive.org

Sur le plan graphique, il s’agissait de conserver les polices Skolar Sans (Rosetta Type) et Input Sans (David Jonathan Ross) que j’utilisais déjà pour mes documents imprimés. La Skolar Sans présente l’avantage d’une très bonne lisibilité et d’un large jeu de chasses et de graisses, une italique marquée visuellement, de même qu’un jeu de glyphes étendu propice aux usages académiques (petites capitales, exposants, flèches, etc.).

Specimen du Skolar Sans, Rosetta Type, David Březina et Sláva Jevčinová, 2014

En complément, j’avais choisi la Input Sans (David Jonathan Ross, 2014), police initialement dessinée pour la programmation informatique (programming font) de par sa facture monochasse (toutes les lettres font la même largeur). Le choix s’est porté sur la version proportionnelle de la police Input (non mono), qui conserve l’aspect mécanique mais qui offre davantage de lisibilité pour des textes.

Input Sans, David Jonathan Ross, 2014

Toujours en 2016, il s’agissait aussi de revoir complètement les modèles de pages et l’occupation spatiale de la fenêtre, notamment dans sa largeur, avec une attention soutenue portée aux écrans de petites tailles. L’identité visuelle alors développée se base principalement sur une grille et sur des contrastes typographiques : le site affirme ainsi, dans sa facture, que des travaux de recherche prennant majoritairement la forme de textes lus à l’écran n’ont pas vocation à être traités avec moins de soin que des images ou autres éléments supposés plus visuels. Toujours dans ce soucis formel, un sélecteur, situé en haut à droite du site, permet de basculer entre les modes jour (clair) et nuit (sombre, choisi par défaut) pour permettre un confort de lecture accru.

AnthonyMasure.com, 2016–2020, alternance entre les modes jour/nuit.

Exposer des textes de recherche sur le Web

Les différents contenus du site sont mis en connexion via des mots-clés et des documents « relatifs » sélectionnés manuellement. Le parti pris, en terme de navigation, est de montrer comment des préoccupations de recherche traversent à la fois des articles, cours, conférences, etc. (un cours peut, par exemple, donner lieu à une conférence, puis à un article, puis à un cours retravaillé).

AnthonyMasure.com, 2016–2020, mise en évidence de documents relatifs sous forme de tags et de « pages liées » renseignées manuellement.

Cette coexistence – quasi exhaustive – de différents travaux dans un même espace (contrairement à leur dispersion dans différentes revues, sites Web et/ou plateformes d’archivage académiques), outre une facilité d’accès et de lecture, permet ainsi de tracer, a posteriori, des généalogies, rebonds et bifurcations dans mes démarches de recherche. Il ne s’agit donc pas seulement d’une visée d’archivage et de communication (valorisation), mais bien d’une méthodologie visant à considérer la recherche comme un processus pouvant toujours s’exposer, et donc « s’inachever » (se retravailler). Dans l’ouvrage Le jeu de l’exposition, le philosophe Pierre-Damien Huyghe note ainsi que :

« À l’idée, commode et médiatique, d’un public pré-défini et susceptible d’être visé comme une cible, il faut substituer l’idée, plus difficile mais plus juste, d’une rencontre au cours de laquelle œuvre et public se constituent réciproquement. Cette rencontre n’est pas foncièrement spectaculaire. Elle ne se produit pas sans risque pour le travail artistique. Le fruit en est un certain inachèvement de l’art : on ne parvient jamais qu’à exposer des œuvres dépourvues d’absolue finition. Mais de cette possibilité dépend l’ouverture ou l’espacement de l’existence, ouverture et espacement sans lesquels tout serait, pour nous, déjà décidé. Être exposés à des œuvres indécises – incertaines et problématiques – nous importe tout particulièrement : de l’indécision naissent la réflexion et le jugement.

Mais comment cela se fait-il ? Dans quels espaces l’indécision est-elle susceptible de se produire ? Quels sont les lieux et les moments d’une exposition artistique possible ? Est-ce dans l’atelier que se joue l’essentiel ? Est-ce plutôt dans ce que l’on nomme aujourd’hui une installation ? Est-ce encore au musée, dans la constitution des collections ? Ou bien dans la rue, la ville, voire le paysage quotidien ? 1 Jean-Louis Déotte, Pierre-Damien Huyghe (dir.), Le jeu de l’exposition, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 7 »

On peut dès lors se demander comment le Web pourrait devenir un espace d’exposition, c’est-à-dire d’indécision. En tant que matière programmable (et pas seulement programmée), le Web offre des perspectives intéressantes pour les productions de recherche. Les différents documents mis en ligne sur ce site, présentés de façon homogène car utilisant le même système visuel (contrairement à des PDF extraits de revues différentes) peuvent en effet être « augmentés », non seulement de mots clés, mais aussi de ressources diverses, de fichiers (audio, vidéo, etc.), d’indications de licences, et sont donc toujours ouverts à un travail ultérieur, démontrant ainsi la capacité intrinsèque au code informatique d’être maléable et réinscriptible.

Le site profite également de capacités propres au Web, notamment concernant les slides des conférences, conçues avec le framework HTML Reveal.js. Celles-ci ont pour avantage de pouvoir accueillir tout type de contenu (vidéos, etc.), et peuvent elles aussi être facilement intégrées dans des pages Web, (exemple ici) qui plus est de façon responsive.

Un redesign (presque) « invisible »

De 2016 à 2020, j’ai systématiquement mis à jours les contenus articles et conférences du site, avec toutefois un bémol, par manque de temps, concernant les syllabus de cours. Un blog, encore peu alimenté, a été ajouté en 2017 pour plus de souplesse. Le besoin se faisait toutefois sentir de « rafraichir » tant l’interface que l’architecture du site.

Sur un plan technique, le site a été mis à jour de la version 2 de Kirby CMS vers la 3.5. Cela a entraîné un certain nombre de changements dans le nommage des dossiers et fichiers (champ date, etc.), de même que dans les fonctions PHP des templates. J’ai de plus réduit sensiblement l’utilisation du JavaScript, en supprimant par exemple les alignements en quinconce (jQuery Masonry). Ces changements ont permis de réduire de moitié la quantité et la longueur des fichiers source (assets) PHP. J’en ai aussi profité pour passer les URLs de mon site en HTTPS (merci Gandi !).

Le principal changement fonctionnel concerne l’ajout de plusieurs niveaux de tags « réellement » fonctionnels (cliquables), tandis que l’ancienne version du site renvoyait vers la page de recherche. Chaque contenu (article, conférence, cours, projet, mémoire dirigé, etc.) a désormais la possibilité d’être étiquetté suivant quatre niveaux sémantiques : « notions » (concepts), « personnes mentionnées » (auteur·trice·s, designers, etc.), « objets mentionnés » (projets, etc.), « médias » (vidéos YouTube, fichiers audio, slides Reveal.js, etc.). Ce parti pris, en plus d’améliorer la connexion entre les contenus et la partage de thématiques de travail, met en évidence l’importance des études de cas dans ma méthodologie de recherche. Un tel changement nécessitera toutefois de repasser manuellement dans tous les contenus pour les tagger un par un.

AnthonyMasure.com, janvier 2021, liste des quatre niveaux de tags sur la page « Recherche ».

Une nouvelle page, « Archives », liste toutes les productions par ordre chronologique, avec pour chacune les différentes métadonnées qui y sont associées. Dans les pages des documents, les contenus « relatifs » sont désormais automatisés via le plugin Kirby Similar.

AnthonyMasure.com, janvier 2021, page « Archives » avec tous les éléments du site classés par ordre chronologique.

La mise en page CSS est passée de display:flex (flexbox) à display:grid afin de gagner en simplicité et de résoudre un certain nombre de problèmes d’alignements, notamment verticaux. La grille est à présent plus cohérente et fonctionne mieux à différentes tailles et ratios d’écran. Par exemple, sur les grands écrans, une 4e colonne a été ajoutée pour densifier les listes comme celles des articles et des conférences.

AnthonyMasure.com, janvier 2021, page d’accueil avant/après : passage par défaut au mode « jour », ajout d’une quatrième colonne pour les écrans larges, retravail du bloc « présentation ».

La police principale utilise désormais la (nouvelle) version « variable » (variable font) de la Skolar Sans pour un temps de chargement rapide, mais aussi pour avoir plus de souplesse dans les réglages typographiques. Cela a par exemple permis de raffiner les modes jour/nuit en modifiant légèrement la graisse des lettres pour optimiser leur lisibilité en fonction du contraste de fond.

AnthonyMasure.com, page « Conférences » avant (2016-2020) / après (2021) : passage en quatre colonnes, retravail de l’alignement latéral des blocs (abandon de jQuery Masonry), optimisation des réglages typographiques.

Certaines pages ont fait l’objet d’une refonte complète, notamment la page CV qui a été remise aux normes suisses (FNS) et qui est mieux hiérarchisée qu’auparavant.

AnthonyMasure.com, page « CV » avant (2016-2020) / après (2021) : ajout des dates en exergue.

Quels développements ?

Le plus gros du travail ayant été fait au niveau de l’architecture des données et de la structure des pages, le plus chronophage sera de saisir en « plein texte » les articles manquants, et surtout d’étiquetter un par un tous les documents.

D’autres améliorations sont envisagées / envisageables :

  • Réduire le poids des images, notamment pour la page d’accueil.
  • Pouvoir filtrer les contenus par type de licence.
  • Ajouter les liens vers les dépôts HAL-SHS.
  • Affiner le fonctionnement du plugin Kirby Similar pour améliorer la pertinence des résultats des « pages liées ».
  • Produire des bibliographies réutilisables.
  • Améliorer l’affichage de la page d’archives, trop dense en l’état, et la navigation par tags (pourquoi pas avec de la dataviz, comme sur cet exemple).
  • Permettre l’export PDF des articles de recherche.
  • Rendre le CV imprimable voire paramétrable avant impression via le navigateur (hello Paged.js !).
  • Revoir la gestion des flux RSS pour aujouter un flux « global » (actuellement, un seul existe pour le blog).
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Documenting the research https://www.anthonymasure.com/blog/2017-09-11-documenting-research https://www.anthonymasure.com/blog/2017-09-11-documenting-research Mon, 11 Sep 2017 00:00:00 +0000

When I applied to the Cnap research grant (making of here), beyond the production of scientific contents, I wanted to experiments new ways of doing research. It was the first time I planned to visit some archive centers. During my Ph. D, I made some historical inputs, ex. about the history of the design of Apple/Braun devices – but I hadn’t visited an archive at the time, as my corpus was mostly composed of books and projects/objects analysis.

So I wondered if it was possible to document not only the productions but the research process itself?

I already had some ideas for documentation material: audio/video, interviews, photographs, sketches, and of course blogging. My friend Thibéry Maillard (@EnTroisPoints) has been practicing “live sketching” in recent years (his website is on the way). We have had many discussions about the design of graphical tools that allow people outside an event to relive it as a kind of “living knowledge”. So I asked him if he could do a kind of “live record” of my research tour, in order to record more than audio and pictures elements.

I am convinced that in the world of research it would be worthwhile to open up to more varied forms of publications. Perhaps this is one of the goals of design research?

You’ll find below some Thibéry’s works:

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Formes de l’invisible. Archéologies graphiques du design avec le numérique https://www.anthonymasure.com/blog/2017-08-13-archeologie-design-graphique-numerique https://www.anthonymasure.com/blog/2017-08-13-archeologie-design-graphique-numerique Sun, 13 Aug 2017 00:00:00 +0000 Here is the full application (in French) I wrote late 2016 for the Cnap research grant. You can read more about the background of this project here.

Résumé du projet

En étudiant des pratiques de design graphique concomitantes à l’émergence de l’informatique personnelle au début des années 1980, et en les mettant en relation avec des démarches de création contemporaines, ce projet propose d’examiner différentes façons de travailler avec l’invisible de la matière numérique. Tandis que le design est confronté depuis une dizaine d’années à une montée en puissance de procédés algorithmiques visant à automatiser la mise en forme d’objets (mise en page, colorimétrie, etc.), quels enseignements pouvons-nous tirer de démarches pionnières pour éclairer le présent ? Alors que le numérique n’a affaire qu’à des contenus calculés, comment le design graphique peut-il contribuer à rendre intelligibles des opérations techniques intangibles ?

Contexte historique

Défini comme un « metamedium » par l’ingénieur Alan Kay en 1977, l’ordinateur est à la fois capable de simuler les anciens médias et d’en créer des nouveaux. Dès le départ, mince est la frontière entre le design des objets informatiques (les machines et leurs interfaces : le travail de Ettore Sottsass jr. pour Olivetti dès 1958, l’invention de la métaphore du bureau du Xerox PARC au début des années 1970, l’ordinateur Apple Lisa en 1983, etc.) et le design avec les technologies numériques (les objets conçus via des programmes : la modélisation 3D de la théière Melitta par Martin Newell en 1975, les logiciels développés par Frank Gehry Technologies dès le début des années 1990, etc.). Plus proches de nous, des démarches comme le développement des objets « connectés », les interfaces aux contenus générés par les utilisateurs, l’empilement de « fonctions » informatiques déportées à de multiples endroits, etc. brouillent la distinction entre les procédés de conception et les productions réalisées : la donnée (data) est partout et infiltre tous les objets et relations sociales.

Contexte théorique

La possibilité de « programmer l’invisible » (Edmond Couchot) propre au numérique ouvre de nouvelles partitions entre le visible et l’invisible. Or cette distinction, à la base de toute culture, ne doit pas être abandonnée à une technoscience instrumentale qui déciderait pour nous de ce qui doit ou ne doit pas être vu. En effet, si l’espace visible permettant aux êtres humains de vivre en commun venait à manquer, alors c’est tout le domaine public (défini par la philosophe Hannah Arendt comme le fait de pouvoir être vu et entendu de tous) voire même la « certitude de la réalité du monde » (Arendt) qui risquerait de faire défaut. Mais comment rendre lisible ce qui se construit et se déconstruit en permanence ? C’est bien en tant qu’il est « un des instruments de l’organisation des conditions du lisible et du visible » (Annick Lantenois) que le design graphique est un acteur privilégié de la façon dont les signes se constituent et forment des mondes. En effet, le design ne tient pas seulement dans la réponse à des besoins, mais articule des savoirs, des usages et des relations sociales – ce que l’historien Lucius Burckhardt appelle un « design au-delà du visible ».

Enjeux pour le design

Habitués à travailler avec des contenus préexistants (textes, images, etc.) mis en forme sur supports imprimés par des « outils », les designers graphiques, dans le cadre de productions conçues sur (ou destinées aux) écrans, ont affaire à une matière mouvante où les moyens et les fins se confondent. Dès lors, comment les designers graphiques peuvent-ils contribuer à faire paraître le « milieu technique » (Gilbert Simondon) dans lequel nous évoluons ? Si le design d’information et les démarches de didactique visuelle peuvent bien sûr aider à comprendre des systèmes complexes, nous nous attacherons plutôt, dans nos recherches, à enquêter sur les façons plurielles dont les designers graphiques rendent compte de procédés de conception et de fabrication en prise permanente avec le visible. Ce projet de recherche se propose ainsi d’examiner comment les designers graphiques travaillent et ont travaillé avec ou contre le numérique, rendant ainsi compte, fût-ce malgré eux, des nouvelles possibilités intrinsèques à ces techniques : détournements de logiciels, cocréation de programmes, place du code dans des documents imprimés, recours à des bases de données, utilisation d’agents de création non humains, etc. En précisant ces catégories et en les éclairant du recul propre à l’histoire de l’informatique personnelle et à sa réception sur divers territoires géographiques, il s’agira ainsi de défendre le fait que les designers puissent se faire interprètes et traducteurs des techniques.

Histoire et archéologie des médias numériques

Le numérique est fréquemment associé à des promesses d’un futur meilleur, où seraient résolus les problèmes de nos sociétés. Face à ce « solutionnisme technologique » (Evgeny Morozov), une approche concernant des enjeux de design serait d’étudier non pas ce que le numérique permettrait, mais de l’envisager plutôt comme « une chose concrète, avec des limites et des influences, [et] de commencer à écrire son histoire et sa théorie » (Frank Gehry). Nous étudierons ainsi en quoi l’histoire d’un travail avec le numérique par des designers graphiques peut être est riche d’enseignements pour l’époque contemporaine, marquée par la multiplication de nouveaux types de techniques « invisibles » (agents de conversation type Siri, réseaux de neurones, etc.). Étant donné que l’informatique personnelle s’est inventée aux États-Unis, un aspect essentiel de cette recherche sera d’interroger des stratégies de réception à différentes époques et territoires géographiques, tant des technologies que des démarches de design afférentes. Cette approche des technologies numériques recoupe ainsi le champ de « l’archéologie des médias » (Jussi Parikka), qui consiste à envisager la généalogie des techniques non pas dans une logique de progression linéaire, mais comme un examen des impasses, des similarités et des divergences de développements techniques réalisés ou non.

Production envisagées et méthodologie de recherche

Ce projet de recherche s’articule autour de trois enquêtes menées dans des centres d’archives. Ces déplacements dans trois contextes historiques et géographiques distincts seront complétés d’entretiens avec des designers, ingénieurs et chercheurs. Les productions envisagées, majoritairement textuelles, seront organisées sous forme d’articles/notes de recherche pouvant se lire ensemble ou séparément. Nous accorderons une grande place à l’iconographie, qu’elle soit directement issue des documents trouvés en archive, numérisée par mes soins, ou produite ad hoc (schémas, dessins, etc.). Dans la mesure du possible, nous favorisons une traduction français/anglais des contenus produits et/ou consultés.

Valorisation de la recherche

Afin d’encourager le partage des idées et de valoriser ces recherches, l’ensemble des contenus produits grâce au soutien du Cnap (textes, etc.) sera placé sous licence libre creative commons et consultable en ligne (Open Access). Le design de cette restitution fera l’objet d’un soin particulier, prolongeant en cela mon travail de thèse qui faisait déjà l’objet d’une réflexion sur sa mise en forme.

Partenaires

Les partenaires envisagés pour ce projet sont des centres d’archive choisis pour leur complémentarité, tant dans leurs types de fonds que dans leur situations géographiques.

The Herb Lubalin Study Center of Design and Typography (Cooper Union) – New York City
Fondé en 1985, ce centre d’archives reste méconnu en France. Il abrite pourtant une collection singulière de documents produits à partir des années 1950 jusqu’aux années 1990, et notamment des travaux de designers graphiques comme Otl Aicher, Karl Gerstner et Herb Lubalin. De ce fait, ce fonds constitue un endroit privilégié pour étudier les mutations des pratiques des designers graphiques au contact des technologies numériques.

Centre Canadien d’Architecture (CCA) – Montréal
Le CCA a amorcé depuis 2013 un cycle de recherche autour des rapports entre l’architecture et le numérique ayant donné lieu à plusieurs expositions et publications. Cette démarche archéologique, qui fait place à l’étude de démarches pionnières, est riche d’enseignements pour d’autres champs d’activité. À partir de l’étude de documents historiques conservés au CCA, il s’agira donc d’identifier des transferts méthodologiques entre architecture et design graphique.

Vilém Flusser Archiv – Berlin
Chercheur protéiforme, encore partiellement traduit en français, Vilém Flusser est notamment connu pour ses travaux sur la culture médiatique. Il a perçu de façon prémonitoire les menaces d’un monde automatisé par la technique. Au sein de la Vilém Flusser Archiv de Berlin, il s’agira d’examiner spécifiquement les travaux portant sur la photographie et le design, riches d’enseignement sur les environnements technologiques contemporains.

Utilisation de l’aide financière du Cnap

Le soutien à la recherche du Cnap couvre principalement des frais relatifs aux déplacements dans des centres d’archive (transport et hébergement) ainsi que le temps nécessaire à la rédaction des contenus. Elle servira également à prendre en charge des ressources humaines liées à la traduction, à la relecture de contenus, ainsi qu’à la finalisation d’entretiens audio/filmés. Un dernier poste de dépense, plus mineur, consiste en l’achat de ressources documentaires et d’impressions.

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Introducing a “research tour” project about the archæology of digital graphic design https://www.anthonymasure.com/blog/2017-08-12-research-grant-digital-graphic-design-archaeology https://www.anthonymasure.com/blog/2017-08-12-research-grant-digital-graphic-design-archaeology Sat, 12 Aug 2017 00:00:00 +0000 It’s been a few years since I wanted to apply for a French research grant from the Cnap – Centre national des arts plastiques. The funding aims to help researchers in the art and design fields to conduct free projects. The grant (between 4000-8000€) is directly awarded to the researcher, which is great as it avoids any administrative mishap. The project must be achieved within 18 months, and be summarized in a short written document.

So what is my topic about? Well, since my Design Ph.D. defended in November 2013, I haven’t stopped to investigate the relationships between design and digital. The last chapter of my Ph.D. was a little bit prospective about the implications of the digital in the fields of interaction and graphic design (type design, OS design, etc.).

Then, after my Ph.D., I started to teach undergraduate graphic and web design classes near Paris. I made a small focus on the culture and the history of the digital by asking my students to design a small website (their first website) about the book From Counterculture to Cyberculture from Fred Turner (2006), translated in French in 2012 by C&F editions. It was one of the only good books available at that time about digital culture.

The student productions were good, but we lacked time to go further. In fact, I couldn’t advise any reads in French about the relationships between graphic design and digital practices. There were indeed some technical resources/manuals or online news blogs, but none of this was relevant to the understanding of the digital and its consequences. As the Canadian Center for Architecture (CCA, Montreal, QC) recently said: not only what, but “when is the digital?” In 2015, I started to analyze this subject as we launched Back Office, a research journal, dedicated to these topics. Then, with the great help of my colleagues Kévin Donnot and Élise Gay (E+K), we released the first issue in February 2017 – but that’s another story!

During my Design Ph.D., I’ve explored the English field of the “software studies” (Lev Manovich, Matthew Fuller, etc.), but I didn’t know much, at the time, about digital humanities and media archæology. Thanks to the mentoring of French researcher Yves Citton, I started browsing a broader corpus of English books that I tried to connect with some French theory (Jacques Derrida, Michel Foucault, etc.). Apart from Back Office, I wrote a book titled Design and Digital humanities between 2015 and 2016, that will be published before the end of 2017.

So, when I applied for the research grant from the Cnap, it was evident for me to think about something deeply connected to my research fields. I gave a lecture in 2016 in Strasbourg (France) about the evolutions of graphical user interfaces (GUI), which tend to be “invisible” (such as voice controlled smart objects). On the other hand, I wanted to go further into the history of digital graphic design. How and when did graphic designers start using computers?

The last step to complete the grant application was to find some archive/research centers to open my investigations outside of the french settings. I was lucky to discover the Herb Lubalin Study Center (NYC) in 2013, which holds a great collection of famous graphic designers, such as Herb Lubalin, Otl Aicher, Karl Gerstner, etc. – so it was a no-brainer to go back there. The CCA (Montreal) can also be seen as a hotspot for the reasons explained above. Another interesting place I’m planning to visit is the Vilém Flusser Archive (Berlin), which owns numerous papers, books, etc. of the Czech-born philosopher (1920-1991).

With these places in mind, I tried to elaborate a kind of “multi-cultural” research- studying how the digital was received and defined in various contexts, both historical and geographical. A good example is the book French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis (2003) of the American studies professor François Cusset. In that book, Cusset analyzed the links between the new continental French philosophy, and its reception both inside and outside its homeland. Would it be possible to connect this methodology to design studies?

I applied to the grant in late 2016, and received a positive response in March 2017 for an amount of 6000€ (mostly for travel costs).

Here is the summary of my project:

Shapes of the invisible. Graphic archæology of digital design
By studying the progressive merging of graphic design practices with the emergence of personal computing in the early 1980s, and by linking them with contemporary works, this research project studies different ways of working with the “invisible” nature of the digital. For a decade, design dealt with the rise of algorithmic and automatic creative processes (shapes, layout, colorimetry, etc.). Which lessons can we learn from pioneering approaches today? If the digital was born out of computation, how can graphic design help making these invisible operations visible?

The full application project, in French, can be found there.

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Hello Blog https://www.anthonymasure.com/blog/2017-07-20-hello-blog https://www.anthonymasure.com/blog/2017-07-20-hello-blog Thu, 20 Jul 2017 00:00:00 +0000 Because of the complexity and the long delays in publishing academic papers (peer review, norms, etc.), there is a need to develop some free and fast expression spaces.

Academic blogs have already a long story. In France, we can quote for example the precursor blog platform Culture Visuelle launched by André Gunthert (EHESS Paris). It was self-hosted from 2009 to 2014, then migrated to Hypotheses.org, a French WordPress “platform for academic blogs in the humanities and social sciences”.

Outside of the WordPress scope, we have seen a lot of others digital publishing platforms pop up during these last years. To date, the most famous is Medium.com, who claim to be a “network of thought” and who promise “a great audience to authors” (in exchange to host free “stories”; hello @PiaP!). Since many users generated content (UGC) platforms have died (as MySpace, Vine, etc.) or were overwhelmed by publicity (as Blogger.com, Canalblog.com, etc.), it’s very important, especially for academics, to publish on a “trusted” space.

Social (mass) media like Twitter or Facebook are good to interact with readers, but they fails to provide a good interface for reading mid or long form articles. And platforms like Hypotheses.org have a normalized (legible but boring) interface design – as if shape doesn’t matter when it comes to academics posts. In a self-hosted environnement, we have to build by ourself a community, but we keep the control on the contents ownership and layout (typefaces, margins, responsive grid, etc.). When it comes to design, shapes matters!

As we are online, we ever are producing ruins, said the French researcher Nicolas Thély. So the self-hosted solutions are definitely better. Because it wants to do everything without technical knowledge, WordPress based websites are bloated – plugins and updates can “kill” them. It uses an SQL database, which is slow, and complicated if we want to move to another system.

That’s why we’ve seen, since some years, a rise of “static” websites (without databases), who are much more light, resilient, and easy to maintain. In French, for example, some people like David Larlet or Antoine Fauchié use a static website to blog about the digital. That website is powered by Kirby, wich is a friendly static CMS. It’s not free software, but the user license allows to modify everything on the core, and the online documentation is pretty good. I’ll detail another day how my website was made (both design and code), thanks to Marine Illiet great help.

Powered by Jekyll, Antoine’s blog provides a technological watch on the economic and cultural impact of emerging reading and writing technologies. He did not (often) use his blog to write long posts, but mainly for short lists / quotes of interesting online contents.

I both like that way of doing as I like the way André Gunthert use his blog L’image sociale to investigate some new research directions that he later reworks on inside “official” academic publications. His blog is both a kind of lab and a Tribune for personal contents. “Opinion” posts not often find their way to academic journals, but are fine on blogs. I also want to use my blog to provide some feedbacks on old or recent projects / papers / conferences / courses. Let’s see how it’ll work!

As I want to translate one day into English some parts of that website, it’s sure that I don’t have time to do blogs posts both in French and English. So why not use that blog to train my English? It’ll be also a good way to talk to English readers about my research work, as a medium for friends (hello Osteel!) who don’t care about scientific – too long – papers. Please apologize for errors of wording or of copying!

Also, don’t expect too much publishing regularity, but I’ll try do better than my friend Nicolas Taffin on Polylogue.org :) And thanks to Raphaël Bastide who asked me to open a blog for at least two years…

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